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Grand Angle

Éducation nationale : La crise de l’école marocaine publique en chiffres

Le recrutement de 11 000 enseignants dans le cadre d’une démarche visant à sauver le secteur de l’Education nationale est prévu d'ici la fin de cette semaine au niveau de plusieurs académies régionales d’enseignement et de formation (AREF). Cette démarche pourrait-elle sauver l’année scolaire en cours ? Retour sur un déficit d’enseignants et une hausse du nombre des nouveaux inscrits chaque année en primaire pour résoudre cette équation. 

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Photo d'illustration. / DR
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Le ministère de l’Education nationale et de la formation professionnelle avait lancé, au début du mois, un concours pour fournir 11 000 postes d’enseignants en plus de ceux consacrés par la loi de finance de 2016. Un recrutement qui sera géré par les académies régionales d’enseignement et de formation (AREF).

Bien que la décision émane d’un accord concocté par le département de Rachid Belmokhtar et le ministère des Finances, plusieurs questions doivent être soulevées sur le timing de cette «bouée de sauvetage» pour le secteur l’Education nationale. L’année scolaire ayant débuté en septembre, plusieurs classes accusent d'ores et déjà un lourd retard dans le programme prévu. Les nouveaux 11 000 enseignants combleront-ils le manque de 30 000 professeurs de l’enseignement primaire, secondaire et des lycées ? La réponse ne peut être que négative, si on jette un coup d’œil sur les chiffres et le déficit flagrant d’enseignants. Un déficit qui prend de l'ampleur depuis plusieurs années déjà.

Un nombre des nouveaux inscrits qui poursuit sa hausse...

Pour illustrer cette crise de l’école publique marocaine, nous nous contenterons d'analyser les chiffres relatifs à l’école primaire publique. Nous nous baserons sur les données des recueils statistiques de l’Education publiées chaque année par le département de Rachid Belmokhtar. Pour l’année en cours, les réponses ont été fournies par Abdelhaq El Hayani, directeur de la stratégie, des statistiques et de la planification.

«Au titre de l’année scolaire 2016-2017, le nombre des nouveaux inscrits en première année primaire de l’enseignement public est de l’ordre de 561 606 élèves», confie-t-il à Yabiladi. Ce même chiffre a été de 543 218 élèves un an auparavant, et de 523 715 enfants lors de l’année scolaire 2014-2015, révèlent les statistiques.

Sur les dix dernières années, ce nombre, qui était de 605 963 au titre l’année scolaire 2006-2007, a certes connu une baisse jusqu'en 2012-2013. Toutefois, il est en hausse depuis cette date. Rien que sur les deux dernières années scolaires, la hausse annuelle de ce nombre avoisine les 3,4%.

Cette évolution avait-elle été anticipée par le ministère de l’Education nationale ? Manifestement non, alors que le département disposait de toutes les données démographiques pour prévoir, à temps, une telle hausse et prendre les mesures nécessaires pour en faire face.

...face à un nombre d'enseignants qui ne cesse de baisser

Regardons donc le nombre d’enseignants dans l’école primaire publique sur les dix dernières années aussi pour constater son évolution. En 2006, le nombre de professeurs officiant dans le primaire a été de 129 123. Un chiffre qui a baissé respectivement au fil des années avant d’augmenter de presque 1% entre les années 2011-2012 et 2012-2013. Depuis, la chute du nombre des professeurs du primaire a atteint jusqu’à 3,59% en 2015-2016 et jusqu’à 5,97% pour l’année scolaire en cours.

Cette baisse du nombre de professeurs est donc concomittante avec une hausse des nouveaux inscrits en première année de primaire, mais aussi une hausse de l'effectif global de l'école primaire tout niveaux confondus. Les départs à la retraite de plus en plus importants ne sont pas remplacés, créant de facto une surcharge des classes voire des classes sans instituteurs.

Mesure d'urgence

Selon les données fournies par le ministère, le ratio élèves/enseignant, en 2016-2017, est de l’ordre de 31 élèves par enseignant. Un ratio «national» qui reste loin, voire très loin, de la réalité des classes en primaire cette année. Dans le milieu urbain, les nombres dépassent parfois les 50 élèves par niveau. «Le ratio élèves/enseignant est une moyenne nationale qui peut cacher d’importantes disparités. Il se peut qu’on trouve des classes de 50 élèves par enseignant au milieu urbain, mais aussi des classes de 5 élèves par enseignant dans le milieu rural», explique Abdelhaq El Hayani. Ce dernier cite plusieurs mesures entreprises par le département de l’Education nationale pour une rationalisation préconisées pour le volet ressources humaines du ministère. Il n’aborde pas, cependant, un plan de recrutement planifié, qui reste la solution la plus naturelle pour une école publique primaire de qualité.

Il est à signaler que la vague de recrutements annoncée au début du mois de novembre par le ministère ambitionne de contribuer à alléger les classes de tous les niveaux scolaires. Une ambition qui reste très optimiste lorsqu’on apprend que le concours de recrutement ne se déroulera qu’en fin de cette semaine. Qu'en est-il des dates de la prise de fonction ? Aucune information à ce sujet ne filtre pour l'instant. Pis, il ne s’agit que d’une campagne d’embauche en CDD, de quoi donc désintéresser plus qu’un potentiel enseignant.

Par conséquent, ce sont les enseignants et les élèves de l’école publique qui continueront de souffrir en silence. Avec une année scolaire qui démarre douloureusement, il ne faudra pas s’attendre à voir de bons résultats l’été prochain…

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