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Grand Angle

Immigration française au Maroc : Hasard, raison professionnelle et qualité de vie parmi les motivations

Un ouvrage vient de paraître sur la migration des ressortissants français au Royaume. Certains reconnaissent qu’ils n’auraient jamais songé s’installer au Maroc si une opportunité professionnelle ne s’était pas présentée à eux. Détails.

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Le Maroc est premier pays d’accueil des Français en Afrique et leur deuxième destination à l’étranger après Israël, hors Europe et Amérique du Nord. / DR
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Comment les Marocains perçoivent-ils la présence des Français chez eux ? Pourquoi ces derniers choisissent-ils d’élire domicile au Royaume ? Quel rapport ont-ils avec la population de leur pays d’accueil ? Comment s’intègrent-ils ? C’est au travers des prismes linguistique, culturel, historique, démographique, administratif, juridique et même entrepreneurial que l’ouvrage «La migration des Français au Maroc. Entre proximité et ambivalence», sorti le 2 novembre dernier (La Croisée des chemins), apporte une réponse à ces questions, dont certaines n’ont, pour l’heure, jamais fait l’objet d’une analyse sociologique.

Déclinée en sept chapitres, l’étude revient naturellement sur la période coloniale puis postcoloniale, retrace les motivations de départ des Français pour le Maroc, l’altérité culturelle à laquelle ils sont confrontés, le sentiment d’inclusion ou, au contraire, d’exclusion qui prévaut chez certains ressortissants.

L’ouvrage est le fruit d’un travail collectif coordonné par Catherine Therrien, docteure en anthropologie et professeure associée à l’Université Al Akhawayn d’Ifrane, auxquels ont pris part plusieurs sociologues, anthropologues, spécialistes en droit public et en langue et littérature française.

«Un fort désir ‘d’ailleurs’» impulsé par un climat social pesant en France

En préambule de la sortie du livre, ses auteurs avaient rédigé en mars 2014 un long rapport intitulé «La question du "chez-soi" au Maroc : les représentations des migrants français confrontées aux points de vue des Marocain-es» dans lequel ils rappelaient, avant toute chose, que le Maroc contemporain demeure un pays d’émigration. Reste qu’il est le premier pays d’accueil des Français en Afrique et leur deuxième destination à l’étranger après Israël, hors Europe et Amérique du Nord. Les attentats terroristes qui ont secoué la région, notamment en Tunisie, n’a pas eu raison de l’attrait des Hexagonaux pour le Maroc : le ministère français des Affaires étrangères les estime à 51 109 en 2015, contre 49 195 en 2014 et 46 995 en 2013.

«Une première étude exploratoire a permis de montrer que ce qui caractérise l’ensemble des parcours migratoires des Français-es peut se résumer par la recherche d’une meilleure qualité de vie et/ou par un fort désir ‘d’ailleurs’ (…) La quête d’une vie meilleure se juxtaposait, dans les narrations recueillies, avec un sentiment de lassitude face au climat social, économique et politique français.»

Antoine, conseiller pédagogique rattaché à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), témoigne : «Moi c’est un parcours strictement professionnel au départ, c'est-à-dire que j’ai une activité professionnelle en France de fonctionnaire qui a fini par me lasser mais dans laquelle je voulais évoluer, et dans les évolutions possibles il y a le départ à l’étranger, donc j’ai postulé auprès de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger.»

Pour d’autres, le Maroc n’était pas le pays d’immigration rêvé. Au contraire, il était synonyme de peurs et de fantasmes liés à une pratique jugée exacerbée de l’islam par certains ressortissants maghrébins dans l’Hexagone. L’étude évoque en effet un «espace appréhendé, notamment en ce qui a trait à la prégnance de la religion musulmane et à la peur d’un intégrisme religieux qui seraient véhiculés, selon certains enquêtés, par certains migrants maghrébins installés en France».

«Sans ce travail jamais je ne serai venue vivre au Maroc»

Le profil de Victoria, fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, atteste bien de cette crainte : «Ma principale motivation d’être ici, c’est parce que j’ai une mission à accomplir dans cet établissement, c’est ça qui me guide, c'est-à-dire que ma priorité c’est la dimension professionnelle. (…) Ce qui m’a fait venir au Maroc, c’est le travail. Sans ce travail jamais je ne serai venue vivre au Maroc. Je ne fais pas parti de ces Français qui ont envie de venir vivre au Maroc, ça c’est sûr.»

Et puis il y a ceux que l’on connaît bien : les fameux retraités. En quête d’une meilleure qualité de vie, ils choisissent de couler des jours tranquilles au royaume. «Pour les uns, la notion de meilleure qualité de vie est liée à un style de vie différent (plus relaxe, plus ensoleillé, etc.) et/ou à une possibilité d’acquérir un niveau de vie plus élevé ; ils se sont installés au Maroc pour vivre mieux», précisent les auteurs du rapport.

Patrick est de ceux-là : «Un ami m’a dit : Viens en vacances, tu verras avec ta retraite tu n’auras pas besoin de travailler, tu vivras bien ! Donc je suis venu un mois en vacance, j’ai découvert le pays, la façon de vivre et puis je me suis dit eh ben, pourquoi pas ! Je suis rentré en France et un mois après j’étais ici définitivement. Pourquoi ? Parce qu’à l’heure actuelle j’ai 1 000 euros de retraite, je suis locataire et je peux vivre tranquillement. Bien sûr le coût de la vie est beaucoup moins cher qu’en France, y a le climat, la façon de vivre tranquille et puis voilà !»

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