Ils ont pu s'échapper de l'enfer qu'était devenu pour eux leur pays d'accueil, la Libye. Ils, ce sont ces Marocains qui ont eu la chance d'embarquer dans deux bateaux affrétés par le Maroc pour le rapatriement de ses ressortissants du pays de Kadhafi. Un premier groupe de 1511 passagers (dont 93 non-Marocains) a pu humer l'air du port Tanger Med ce dimanche matin tout juste après 6h. Le deuxième navire avec à son bord plus de 2000 personnes devait accoster en fin d'après midi.
Sur les visages de ces rescapés de la terreur se lit aussi bien la joie de regagner la mère patrie que la fatigue d'un voyage de quatre jours. Sous une douce pluie qui leur souhaitait la bienvenue, tous se précipitent sous une grande tente où une collation les attendait. Occasion également pour confier aux nombreux journalistes présents sur place, les épreuves parfois dures qu'ils ont endurées.
Revenus les poches vides
Moustapha Kharfaoui, originaire de Beni Mellal, travaillait pour une compagnie pétrolière dans le désert libyen, à Ajdabia. A l'instar de presque tous les rapatriés, il confesse avoir «tout laissé la-bas, argent et maison» alors qu'il a passé une dizaine d'années dans ce pays. Pire, il avait fait venir sa femme à peine «cinquante jours» avant que les émeutes n' éclatent. Mais les Marocains avouent quand-même avoir été très chanceux, comparés aux «Subsahariens où aux Egyptiens» par exemple. Des Subsahariens qui ont eu la chance d'embarquer sur l'un des bateaux affrétés par le Maroc affirment que les forces fidèles à Khadhafi les arrêtaient pour les forcer à combattre en leur livrant des armes !
Recommencer à défaut de retourner
Du côté des MRE revenus au bercail, on s'interroge déjà sur l'avenir. Beaucoup affirment vouloir repartir dès que «le calme sera de retour» en Libye. Mounia, aujourd'hui âgée de 20 ans, y est née. «C'est la Libye que je connais. J'aime trop ce pays» se désole-t-elle, avec un regard scintillant illuminant son visage voilé. Pour Jawad par contre, «la Libye est détruite». Il vaut mieux « chercher du travail ici», se résigne le jeune homme de 25 ans. Il fait partie de cette majorité de jeunes qui composent ce groupe et qui s'activaient sur les chantiers du lointain voisin maghrébin.
L'ambassade a-t-elle été proche des citoyens ?
Si tous sont contents d'être là et crient haut et fort «vive le roi», certains par contre sont très remontés contre l'ambassade du Maroc à Tripoli. A peine débarqués du «Berkane», ce gigantesque bateau qui les a recueillis depuis jeudi, de nombreux passagers se sont mis à fustiger la gestion de la crise par la représentation du Royaume en Libye. De temps en temps, de petits groupes haussaient le ton pour se faire entendre par les autorités présentes sur le débarcadère. Notamment, à leur tête Mohamed Ameur, ministre des MRE. Ce dernier tempère toutefois et appelle à la compréhension vu «le contexte de crise». En tous cas, des accusations de corruption et de négligence n'ont cessé de fuser contre des diplomates marocains de la Libye.
D'autres opérations à venir ?
Mais M. Ameur semble plus préoccupé par le sort des Marocains restés dans ce pays en pleine guerre civile. Pour le ministre, d'autres opérations de rapatriement ne sont pas à exclure. Car jusqu'à ce jour, seuls 9000 des plus de 100 à 170 milles Marocains établis en Libye sont revenus par divers moyens de transports, notamment aérien. Pourtant, ces opérations impactent déjà lourdement le budget du département de Mohamed Ameur. Les deux navires ont à eux seuls englouti 12 millions de dirhams, sans parler de la logistique au départ et à l'accueil. Et ce dernier a nécessité deux centaines de bus à destination des diverses régions d'origine des ces Marocains revenus sur les terres de la mère patrie.