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Interview

Hicham Bahou, co-directeur de L’Boulevard : « Nos décideurs ne comprennent même pas ce qu’est une politique culturelle »

La 17e édition de L’Boulevard n’aura pas lieu. Ce festival atypique des musiques urbaines casablancaises devait se tenir du 19 au 23 octobre aux anciens abattoirs dans la capitale économique. L’un des organisateurs, Hicham Bahou, explique à Yabiladi les obstacles qui se dressent face à l’organisation de ce genre d’événement culturel au Maroc. Interview. 

Publié
Le festival L'Boulevard à Casablanca en 2014. / Ph. Walid Benbrahim, Chadi Ilias, Hicham Laabd
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Pour quelle(s) raison(s) l’édition de cette année a-t-elle été annulée ?

Le festival a été annulé pour insuffisance budgétaire. Nous en avons décidé ainsi pour ne pas risquer de tout bâcler. Au début, nous allions l’organiser sans avoir toutes les garanties financières mais, faute de temps, nous avons renoncé, surtout après des années d’expérience et de développement. En quelques années, nous avons pu instaurer un vrai festival, respectueux des normes de sécurité, de programmation et de diversité, avec une forte identité. C’est plus par bon sens que par défaitisme que nous avons pris cette décision.

Ce n'est pas la première fois que L’Boulevard est annulé…

La première fois, c’était en 2012, parce nous préparions notre projet du «Boultek», le premier centre de musique actuel à Casablanca et au Maroc. C’est un endroit avec trois studios de répétition, une salle de concert et une salle de formation. C’était difficile de faire autant de choses en même temps. C’est pourquoi nous l’avions annulé pour mieux l’organiser en 2013, avec un nouveau format de dix jours sur deux lieux différents.

Momo et Hicham Bahou / DR

Est-ce difficile d’organiser un festival au Maroc ?

Ça dépend des organisateurs : une jeune association n’a pas le même poids qu’une ville. Les grosses villes mettent les moyens et tout le monde coopère : autorités, intervenants, partenaires privés. Il y a d’autres festivals portés par des personnalités très influentes. Mais quand c’est un cercle de jeunes, faibles politiquement, ce n’est pas pareil. Au delà des festivals, c’est toute la culture au Maroc qui ne bénéficie ni d’un environnement professionnel, ni de mécanismes qui permettent aux projets et dynamiques culturels de s’y installer et s’y développer sur le long terme. Chaque entité a sa propre fonction ; il n’y a pas que le ministère de la Culture, le ministère de l’Education nationale et celui de la Jeunesse sont aussi impliqués.

On a des conservatoires qui sont à deux doigts de craquer, complètement obsolètes dans leur fonctionnement, et des programmes qui ne sont pas adaptés à la réalité culturelle du pays. Nous disposons de lieux fermés, qui n’accueillent pas d’artistes. Il faut commencer par la proximité et ouvrir ces lieux pour accueillir des jeunes et des associations de quartier. Le Maroc organise des événements, mais la culture ne se résume pas à ces festivals. Il faut développer une conscience culturelle. Nos décideurs ne comprennent même pas ce qu’est une politique culturelle ; ces personnes se contentent de trouver les moyens d’organiser un festival pendant l’année.

Quel est l'avenir de L’Boulevard et de toute la dynamique initiée autour de la musique urbaine au Maroc ?

Pour l’avenir des genres musicaux au Maroc, il faut que les artistes trouvent des endroits où travailler, c’est à dire des salles de répétitions, des scènes régulières. Je connais des groupes qui ne jouent pas ou seulement une ou deux fois par an. Aujourd’hui, à Casablanca, il y a le Boultek, L’Uzine… L’avenir dépend des structures de bases. Si les artistes ont l’occasion de jouer et d’être programmés, alors ça doit découler d’une politique culturelle liée à la volonté commune de créer une dynamique et une économie culturelle et permettre aux artistes de vivre de leur métier. Il faut donc que les groupes continuent de jouer et que les gens apprennent à acheter un ticket pour assister à un concert.

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