France24 se lance dans le débat sur le mouvement de contestation au Maroc. Après l'interview de Moulay Hicham, cousin de Mohammed VI, le 18 février, une ambassadrice itinérante du Maroc est venue sur le plateau de la chaîne d'informations à peine une semaine plus tard, pour s'entretenir sur le même sujet : le 20 février u Maroc.
Mais le discours qu'a tenu Assia Bensalah Alaoui est très différent de celui de Moulay Hicham. Interrogée par la journaliste marocaine Aziza Nait Sibaha sur les raisons des manifestations du 20 février au Maroc, l'ambassadrice itinérante a d'emblée annoncé la couleur : Les dizaines de milliers de manifestants seraient ainsi sortis «d'abord par solidarité avec les peuples tunisien et égyptien» selon elle. Et la situation au Maroc ? L'ambassadrice ne souffle mot sur les Jeunes du 20 février, sur les revendications sur lesquelles de nombreux acteurs s'étaient mis d'accord, avant tout politiques, mais aussi économiques et sociales.
Contrairement a certains manifestants, l'ambassadrice affirmait par exemple que le Maroc connaîtrait déjà une «très grande liberté d'expression». Les manifestations sont un phénomène «normal» selon elle, «un vent de libertés auquel nous sommes accoutumés». Pourquoi souffle-t-il quand-même ? Pas de réelle réponse dans l'entretien, malgré les efforts de la journaliste de pousser plus loin les questions.
Celle-ci arrive néanmoins à faire revenir l'ambassadrice sur ses mots, plus tard dans l'interview. Les manifestations seraient «une opportunité (…) d'élargir ceux qui peuvent prendre la parole». En d'autres termes, élargir la liberté d'expression (qui existerait pourtant déjà). L'ambassadrice s'en émerveille même : «c'est magnifique de pouvoir libérer la parole». Ce serait tout autant magnifique de rester cohérent...
Concernant le «grand challenge» de l'emploi, Assia Bensalah Alaoui, estime que des réformes importantes ont été entreprises, mais il y aurait toujours une «latence» entre l'adoption de réformes et le moment où elles commencent à se faire ressentir. Argument valable, mais peut-on réellement estimer que concernant les réformes initiées, «tout se passe d'une façon normale»? A demander aux manifestants des Carrières de Casablanca, venus à pied jusqu'au Palais Royal, à deux reprises la semaine dernière, pour dénoncer des irrégularités dans le programme de relogement et d'habitat social...
Comme à Moualy Hicham, la question sur le système politique du Maroc est posée à l'ambassadrice. Qu'en est-il de la revendication d'une monarchie constitutionnelle au Maroc ? Assia Bensalah Alaoui reste loin de l'analyse de Moulay Hicham. «Mais la monarchie est déjà constitutionnelle», estime-t-elle, sans dire que cette constitution ne limite en rien les pouvoirs de la monarchie. Moulay Hicham était pourtant clair. «Sur le plan juridique et constitutionnel», la monarchie est absolue. «C'est à dire qu'elle a des vastes pouvoirs constitutionnels et légaux. Mais cela ne veut pas dire que c'est un système politique fermé, totalitaire. C'est un système autoritaire souple.»
Au final, sans être très claire dans le cheminement de son argumentation, l'ambassadrice itinérante dit néanmoins se réjouir du vent de libertés qui souffle dans la région. «Je me sens libérée», explique la diplomate, «car on était un peu montrés du doigt comme incapables de pouvoir choisir nos gouvernants et nous émanciper».
Entretien de France24, du 26 février 2011
Article mis à jour le 1/2/2011 à 14h45