Le sujet est presque devenu un serpent de mer dont les rédactions françaises raffolent, qu’elles se refilent bien volontiers les unes aux autres. Bernard de La Villardière, journaliste phare de M6, animateur de «Zone interdite» et «Enquête exclusive», n’a pas résisté à la tentation. Thématique du premier numéro de son magazine «Dossier Tabou», diffusé hier à 21 heures sur la chaîne généraliste ? La montée de l’islam radical en France, pardi !
Le journaliste s’est rendu à Sevran, en Seine-Saint-Denis, une ville confrontée parmi d’autres à la montée du radicalisme musulman, que certains jeunes ont quittée pour partir faire le djihad. Le maire, Stéphane Gatignon (Parti écologiste), dénonce le caractère «racoleur» et «manipulateur» des émissions de Bernard de La Villardière.
«Bien sûr que j'ai été utilisé»
L’élu a toutefois accepté d’être interviewé dans le cadre du reportage. «Très franchement au début je ne voulais pas participer à cette émission, confie-t-il à RMC. Donc quand ils m’ont demandé une interview, avec l'accumulation de tout ça (le journaliste a été pris à partie au cours de l’investigation, ndlr) je me suis dit : ‘il faut que je réponde’. C'est un jeu de con en fait, à tous les coups tu perds ! Si tu n’interviens pas, t’as une polémique et tu ne t’en sors pas. On te dit ‘pourquoi tu n'es pas intervenu ?’. Et si tu acceptes l’interview, on te dit ‘pourquoi tu es intervenu ?’. Donc t’es coincé. Quoi que tu fasses, de toute façon tu l’as dans l'os.»
Et de préciser : «L'interview a duré une heure et demi. On a joué au chat et à la souris : il voulait entendre des trucs et moi je ne lui répondais pas ce qu’il voulait entendre. Je sais qu’il en restera 40 secondes ou une minute dans l’émission, c’est pour ça que je n’aime pas faire ces interviews et que je préfère parler en direct. Je regrette d’y avoir participé mais en même temps je me sentais contraint».
«Bien sûr que j’ai été utilisé. Bernard de La Villardière manipule tout le monde. (…) C’est lui qui vient, ce n'est pas ses équipes, il ne nous prévient pas avant… Toutes les télés sont venus dans ce quartier et aucune n’a eu de souci, mais lui est venu après, et comme c’est lui qui est venu, il y a eu une crispation par rapport à ça», constate-t-il.
«Un vote musulman qu’il faut se mettre dans la poche»
De son côté, Bernard de La Villardière se défend de toute manipulation dans une interview pour TvMag du Figaro relayée par LCI, arguant que son enquête présente des «faits avérés». «Les critiques sont souvent portées par des musulmans eux-mêmes qui constatent des dérives. Quand l’imam Abdelali Mamoun explique qu’il n’y a pas d’islam de France, mais un islam en France géré par des autorités étrangères, ce n’est pas moi qui en parle, mais lui. En plus, notre travail le prouve», avance-t-il.
Plus encore, il estime que Stéphane Gatignon fait main basse sur beaucoup de choses dans sa commune : «Dans le groupe, il y avait des fondamentalistes, des salafistes et des dealers. Manifestement, on gênait. On a préféré battre en retraite, mais on n’a pas appelé les forces de l’ordre (...) Cet homme fait partie des élus locaux qui ont composé avec les musulmans, pour ne pas dire plus, qui se ferment les yeux pour ne pas voir et qui vont dans le sens du vent. Ils se disent qu’il y a un vote musulman et qu’il faut donc se le mettre dans la poche».