Mobydick sur sa nouvelle chanson « Ana Bghit Teghyir » : « J’ai dit Amen à un truc qui me parle »

Quel est le message derrière votre dernière chanson «Ana bghit Taghyir» ?

J’ai dit Amen à un truc qui me parle. L’idée derrière le clip est la liberté individuelle de chacun et le vivre ensemble, que le plus grand de taille aime le plus petit, qu’une personne blanche de peau accepte une autre personne noire de peau, que le consommateur d’alcool aime celui qui n’en boit pas et qu’il y ait une réconciliation entre nous tous. Qu’une fille puisse s’habiller comme bon lui semble, sans pour autant que le gars, musulman et pratiquant, puisse la critiquer et que ce dernier ne soit pas détesté par les autres. C’est un message très positif pour qu’on sache que nous sommes tous frères, pour qu’il n’y ait pas de préjugés et pour qu’on apprenne à vivre ensemble. Personne ne pourra changer l’autre donc il vaut mieux qu’on s’accepte. C’est la manière avec laquelle je me suis mis à écrire.

Mais pourquoi avoir accepté d’être le visage d’un mouvement jusqu’à présent anonyme ?

Je reconnais qu’il est difficile de s'afficher dans ce genre de situation et je sais de quoi je parle. Ce n’est pas évident et ce n’est pas donné à tout le monde. Les personnes qui m’ont contacté ne sont pas venues chez moi juste comme ça. Ils savent très bien qu’il est difficile de trouver quelqu’un qui peut assumer. Moi, je peux dire que je picole. Je peux dire que je défends les droits des personnes qui consomment l’alcool. Je suis le bon élément dans tout ça.

Vous dites «ils ». De qui s’agit-il exactement ?

Ce sont des amis qui ne cherchent pas trop à prendre la vedette dans cette histoire. Ils sont loin de la politique et ce sont des gens qui ne veulent pas trop se dévoiler et ils ont leurs propres raisons. L’initiative est prise par Bghina Teghyir et c’est pour cette raison que c’est la chaîne YouTube qui a publié le clip. Je ne peux pas donner de noms. Je ne sais pas non plus pourquoi ils ne veulent pas se dévoiler. Personnellement, j’ai fait ce que j’ai à faire. Il n’y a pas de partis politiques derrière l’initiative. Les initiateurs veulent rester dans l’anonymat. Je crois que cela rentre dans leur démarche de faire les choses et j’adhère à ce qu’ils font. Si demain cela abouti à des fins politiques, je n’aurai aucun souci ou objection parce que leur projet me permettra d’être tranquille. Si l’initiative donnera un parti politique qui défendra mes idéaux, alors amen !

Pourquoi la défense des libertés individuelles en particulier ?

Les personnes qui m'ont contacté ont réussi à toucher la corde sensible qui est le fait de défendre les libertés de chacun. Moi-même je suis victime de cette situation. Je suis blacklisté un peu partout. Certains ne m’aiment pas pour ce que je suis. Artistiquement j’ai un potentiel mais personne n’est venu chez moi pour cela. Tout le monde me traite en fonction de ce qu’il y a à côté. ‘Mobydick dit des conneries’, ‘Mobydick utilise des gros mots’,… Je suis tout le temps étiqueté et on ne m’a jamais appelé pour mon travail. J’évite toujours de rentrer dans les délires des petites campagnes de sensibilisation. Là où je suis, il y a assez de problèmes et il faut que je défende au moins mes valeurs pour que les personnes dans la même situation puissent se reconnaître. Je suis comme ça et je ne peux pas changer pour faire plaisir à tout le monde. Il faut que je me défende pour que je puisse vivre tranquillement.

Mais l’engagement et le militantisme restent des gestes plus ou moins politiques…

La politique, on est dedans ! Vous ne pouvez pas faire du Rap sans faire de la politique. Lorsque je pointe du doigt des choses que je n’aime pas dans la société ou dans le système, c’est de la politique. Qu’on le veuille ou pas. Si c’était un message pour demander aux gens d’aller voter, j’aurai dit non. Pareil si je devais encourager mes fans pour aller voter pour tel ou tel parti. Je ne suis pas dans ce créneau et je ne suis pas un moralisateur. Mais je suis touché par certains problèmes : Nous avons du mal à accepter les différences des autres et ce thème m’a plu.

Vous n’avez pas peur que vos fans réagissent en vous rappelant que vous avez critiqué Don BIGG lorsqu’il avait pris un positionnement plutôt politique et s’était attaqué au mouvement du 20 février ?

Je connais beaucoup de personnes qui ont été militants du mouvement du 20 février. Je les ai connus et je les ai fréquentés. Quand BIGG les a attaqués, j’ai compris qu’il s’attaquait à eux sans les connaître. Il n’y a pas de différence entre le moment où j’ai protesté contre BIGG et entre maintenant. Défendre les droits, pour moi, c’est une position qui n’est pas donnée à tout le monde. Il y a des courants au Maroc et il y a ceux qui sont contre cette idée de défendre les libertés de chacun. Si à l’époque j’étais contre BIGG, je le suis toujours. S’il connaissait ces personnes, il aurait même adhéré à leurs causes. Je pense qu’il faut laisser le peuple s’exprimer et parler. Dire aux gens de ne pas sortir et militer est grave. Aujourd’hui, je milite aussi pour dire qu’il faut laisser la liberté à chacun. Celui qui veut partir dans un bar, il faut le laisser y aller. Celui qui veut se rendre dans la mosquée, il faut le laisser partir et ne pas l’accusant d’extrémisme.