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Grand Angle

Benkirane/El Himma : Cinq années de tensions marquées par une trêve de courte durée

Malgré les divergences, Abdelilah Benkirane a toujours veillé à ne jamais citer nommément Fouad Ali El Himma comme étant le représentant des «forces de contrôle» et de l’ «autoritarisme». Les relations entre les deux hommes sont loin d’être un long fleuve tranquille même si une trêve fut observée pendant quelques semaines. Une période durant laquelle l’islamiste louait les qualités de son principal adversaire politique depuis septembre 2007.

 

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Fouad Ali El Himma et Abdelilah Benkirane / Archive - DR
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Le 7 décembre 2011, Fouad Ali El Himma était nommé conseiller du roi Mohammed VI. Abdelilah Benkirane, désigné le 29 novembre pour former un gouvernement, avait appris la nouvelle ascension de son farouche adversaire politique alors qu’il était avec Hamid Chabat. D’après ses déclarations dans la presse, les deux chefs de partis s’étaient félicités d’une telle désignation. L’ancien fondateur du PAM, fort de ses nouvelles fonctions, s’est vite imposé comme le principal négociateur du PJDiste pour la formation du premier exécutif depuis l’adoption de la Constitution, le 1er juillet 2011. Rebelote près de deux ans plus tard dans l’opération de sauvetage du gouvernement Benkirane suite à la défection de l’Istiqlal.

Entre les deux hommes, des rapports tendus

A peine quelques mois passés à la tête du gouvernement que surgit le premier clash entre Abdelilah Benkirane et l’entourage royal. Août 2012, le PJDiste laisse éclater sa colère. Dans les colonnes du quotidien Assabah, il se plaignait «qu’il n’y [avait] aucun contact entre lui et les conseillers du roi», regrettant un «manque de communication» et que «les choses [n’aillent] pas dans la bonne direction». Pis encore, il révélait que «ses ministres recevaient des directives royales dont [il n’était] informé que plus tard dans la majorité des cas», pour finalement reconnaître que «[c’était lui] qui [prenait], souvent, l’initiative de contacter les conseillers du roi».

Le chef du gouvernement venait ainsi de jeter un pavé dans la marre. Jamais auparavant un Premier ministre n’avait fait pareille plainte - qui plus est étalée sur la place publique. Après ces moments de vérité, le chef du gouvernement a été contraint d'opérer une volte-face. Dans un communiqué relayé par la MAP, il a commencé à tirer à boulets à rouges sur l’article «plein de mensonges», qui ne vise qu’à «dépraver la coopération entre les institutions constitutionnelles sous la conduite de sa majesté le roi que Dieu le préserve et l’assiste». Il a ensuite présenté ses excuses «au roi» et à ses «honorables conseillers» si l’article en question leur avait porté préjudice. Et de conclure par renouveler sa «loyauté» et sa «considération» au souverain.

Cet incident n’est que la partie visible de l’iceberg des relations conflictuelles entre Abdelilah Benkirane et l’entourage royal. Avant de cibler les conseillers du roi, il répétait dans ses nombreux meeting qu’il tenait aux quatre coins du monde les termes «crocodiles» et «démons» pour désigner celles et ceux qui dressent des embûches sur la route de son gouvernement. L’opinion publique devinait à qui il se référait.

Une trêve provisoire s’installe après la formation de Benkirane II

Le 10 juillet 2013, le chef du gouvernement affronte sa grande crise. Cinq ministres de l’Istiqlal, deuxième force à la Chambre des représentants, présentaient leur démission. La majorité vacille. Le scénario à la tunisienne se profile. La classe politique s’interroge : la parenthèse du PJD à la tête de l’exécutif va-t-elle se refermer ?

C’est contre toute attente que l’adversaire de toujours d’Abdelilah Benkirane intervient pour organiser l’opération de sauvetage. Il «persuade» le RNI de renflouer le cabinet. Salaheddine Mezouar et sa Colombe n'ont pu que dire oui à une telle injonction. Le 10 octobre, Benkirane II est né sous la supervision et l’assistance de Fouad Ali El Himma. Conscient de l’apport du conseiller royal, le PJDiste a été contraint de louer les qualités de l’ancien fondateur du PAM.

«Comme tout le monde sait, Fouad Ali El Himma a une place spéciale», avait-il indiqué dans un entretien accordé au quotidien saoudien Asharq Al Awsat, saluant son «grand rôle» dans la formation des deux cabinets successifs dirigés par le secrétaire général du PJD. «El Himma a contribué à la composition de ce gouvernement (Benkirane II, ndlr) », avait-il encore affirmé.

Mais comme dans toutes guerres, la trêve fut brève, Abdelilah Benkirane ayant vite repris le chapelet de ses plaintes. Il laissa tomber les «crocodiles» et les «démons» pour parler des «forces de contrôle» et du «gouvernement parallèle, non élu». Mais contrairement à son allié Nabil Benabdellah, le PJDiste n’a jamais accusé nommément Fouad Ali El Himma d’être à la tête de ses adversaires. Sur ce point, l’islamiste montre qu’il est plus respectueux des règles de bienséances makhzéniennes que l’ancien communiste.

Article modifié le 2016/09/15 à 15h50

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