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Grand Angle

Colère royale, offense de Benabdellah et le péché originel du PAM [Edito]

Une attaque de Nabil Benabdellah visant le PAM et le conseiller royal Fouad Ali El Himma, une réponse cinglante du cabinet royal, un déluge médiatique pour commenter ou prédire les répercussions politiques. Pourtant, l'enjeu n'est ni l'avenir politique du patron du PPS ni la durabilité des liens entre les deux alliés au gouvernement, mais l'analyse du sens du communiqué en lui-même.

Publié
Abdelilah Benkirane et Nabil Benabdellah / Archives - Ph. Brahim Taougar - Le360
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Après les assauts d’Abdelilah Benkirane contre l’Etat profond, le chef du gouvernement a passé le témoin à son fidèle allié du PPS et ministre de l’Habitat, de l’urbanisme et de la politique de la ville, Nabil Benabdellah. Pourtant, ce dernier n’est pas connu pour son côté frondeur. On peut légitimement s’interroger sur ce sursaut de témérité d’un homme politique présent dans quasiment tous les gouvernements de ces quinze dernières années. L’approche des élections législatives et les rumeurs qui bruissent sur une éventuelle victoire surprise du PAM n’y sont sans doute pas étrangères. Les équilibres et les pouvoirs sont en train de se déterminer en coulisses et sortent parfois se jauger en public dans les colonnes des journaux.

Mais ce bras de fer PAM VS PJD+PPS n’est pas nouveau. Et souvent, Fouad Ali El Himma, fondateur du PAM en 2008, a été la cible directe ou indirecte des critiques d’un Benkirane pour ne citer que ce dernier. Ce qui est nouveau, c’est la communication du cabinet royal dont fait à nouveau partie Fouad Ali El Himma après un intermède de quatre années pour créer son parti. Le conseiller royal ne prend plus la peine de démentir personnellement les propos qui le visent, mais laisse le cabinet royal siffler la mi-temps ou la fin du match en pleine action offensive du numéro 10 ou du numéro 9 de la majorité gouvernementale.

Siffler la fin du match

Or cette communication du cabinet royal provoque exactement ce dont elle se défend. Par le prestige de l’institution monarchique, un écrit, une parole, un geste, peut signifier une sollicitude royale ou son contraire. Ici, le message envoyé aux électeurs et différents acteurs politiques et institutionnels n’est pas simplement de l’ordre du symbole (présence lors d’un diner royal, évocation indirecte dans un discours, etc.). Le parti de Nabil Benabdellah est invité à prendre ses distances / faire pression sur son secrétaire général / le sanctionner (Rayer les mentions inutiles).

En un communiqué de presse, le cabinet royal vient de cramer le fusible d’Abdelilah Benkirane. Sans oublier que le chef de gouvernement lui-même a été contraint de mettre le disjoncteur en position off après les fuites médiatiques (presse arabophone et Jeune Afrique) sur une supposée colère royale qui n’a jusqu'à aujourd'hui jamais été démentie. Or ces révélations par médias interposés interfèrent dans le débat politique national puisqu’elles envoient des signaux négatifs sur certaines personnalités politiques et certains partis à quelques semaines d’une importante échéance électorale.

Croquer le PAM

Ainsi, la combinaison des critiques de l’action de certains responsables politiques dans les discours royaux, les fuites d’une colère royale dans les médias et ce communiqué du cabinet royal tançant un Nabil Benabdellah tout penaud, dresse un tableau qui n’est pas raccord avec le rôle d’arbitre voulu par le roi.

Si on peut comprendre cette volonté de ne pas être placé au cœur des batailles politiciennes pré-électorales, on doit tout de même rappeler que le péché originel se situe dans la création du Parti authenticité et modernité par Fouad Ali El Himma. Quelque soit la prise de distance de ce dernier dans le fonctionnement du parti qu’il a un temps dirigé, des liens seront établis - à tort ou à raison - par les autres composantes de la sphère politique, mais aussi par certains candidats du PAM qui joueront sur une supposée proximité du parti avec le Palais royal.

Difficile donc de rester au dessus de la mêlée politicienne lorsqu’un des acteurs est à la fois dedans (conseiller royal) et dehors (par l'organisation partisane qu’il a laissée en héritage sur la scène politique marocaine). Sans rentrer dans une analyse sémiotique, le communiqué nous renvoie irrémédiablement au célèbre tableau de René Magritte : «Ceci n’est pas une pipe»

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