Pourquoi avez-vous décidé de boycotter les prochaines élections ?
Lors de nos précédentes réunions avec le ministère de l’Intérieur, nous leur avons dit que nous voulons des «élections sans argent». Le ministère de l'Intérieur ne doit donner aucun centime aux partis politiques qui participent aux élections. Le Parti libéral veut protéger l'argent public du gaspillage ; c’est la raison pour laquelle nous appelons à des élections sans subvention de l’Etat. Les formations politiques reçoivent ce genre de soutien tout au long de l'année à partir du budget de l'Etat. Distribuer des milliards avant les élections n’a pas de sens.
La Fédération de la gauche démocratique a indiqué qu'il est impossible d’organiser des élections sans argent et a demandé que chaque parti soit subventionné par un million de dirhams. Le ministère de l'Intérieur a ensuite décidé d’accorder 750 000 dirhams. Ce n’est pas synonyme de démocratie ; la démocratie ne signifie pas d’octroyer des subventions en échange d’une participation aux élections.
À l'heure actuelle, il existe une sorte de «bourse» pour les candidats aux élections. Ces candidats sont achetés par les partis politiques. Un candidat qui dispose d’une base électorale de 8 000 voix soumet à son parti politique un chèque de garantie de 600 000 dirhams. Ce n’est que lorsqu’il présentera un document attestant que 8 000 personnes ont voté pour lui qu’il pourra récupérer son chèque.
Ce genre de pratiques est-il monnaie courante au sein des partis politiques ?
Oui, ce sont des pratiques qui sont connues. On parle même d'un «marché électoral», dans lequel le candidat vaut 600 000 dirhams. La semaine dernière, ce prix était de 400 000 dirhams. Mais lorsque le ministère de l’Intérieur a annoncé que chaque candidat peut dépenser jusqu’à 500 000 dirhams, et compte tenu de la concurrence entre certaines formations politiques, ce montant a grimpé à 600 000 dirhams. Est-ce cela la démocratie ?
Un candidat aujourd’hui peut être acheté. Celui qui dispose d’une circonscription garantie obtient 60 millions de centimes pour ne pas se présenter sous les couleurs d’une autre formation. Je le dis et je suis responsable de mes propos. Si les choses demeurent ainsi, nous tomberons dans une impasse qui nous mènera vers un scandale. Il y a une grande différence entre l’organisation des élections législatives et la construction de la démocratie. Nous voulons bâtir une démocratie.
Votre décision de boycotter les élections est-elle définitive et irréversible ?
Nous pouvons faire marche arrière si le ministère de l’Intérieur annule l'octroi de fonds publics aux partis politiques et s’il crée des mécanismes pour lutter contre l'utilisation de l'argent volé dans les élections. Il est inconcevable de se nommer porte-parole de Dieu et de l’islam rien que pour remporter la course. Aujourd’hui, les administrations, les services, les télévisions et les fonds publics ont été mis à disposition pour convaincre le citoyen marocain de choisir entre le PAM (Parti authenticité et modernité, ndlr) qui utilise l’argent et le PJD (Parti de la justice et du développement, ndlr), qui utilise la religion. C’est inadmissible : le choix du citoyen doit se baser sur les programmes...
Après ce boycott, qu’arrivera-t-il au «Mouvement Rafidoune» ?
Notre parti a indiqué dans son communiqué qu’il laissera le choix aux autres partis qui composent ce mouvement. Ils peuvent, selon leurs propres convictions, nous emboîter le pas ou participer aux prochaines élections législatives. Najib Ouazzani, secrétaire général du parti Al Ahd Addimocrati (AHD) a trahi la promesse qu’il nous a faite en s’alliant avec le PJD, tandis que le président du Parti du renouveau et de l'équité (PRE) Chakir Achahbar a peut-être rejoint les rangs du PAM… Cela veut dire que le mouvement n’existe plus. Mais il y a des Marocains qui nous soutiennent. Le Mouvement Rafidoune comprendra d’autres partis et forces politiques. Sa force augmente jour après jour.
Mais, à l’avenir, vous ne compterez plus sur les partis politiques qui étaient de votre côté…
Ils ont choisi leur chemin et ils en ont toute la liberté…
Etes-vous en contact avec d’autres formations politiques pour les convaincre de votre décision ?
Oui, nous tentons aujourd’hui de convaincre d’autres partis de boycotter ces élections. Aujourd’hui, Abderrahim El Hajjouji, du Parti des forces citoyennes (PFC) m’a dit que le ministère de l'Intérieur l’a informé que les partis qui présenteront moins de 10 listes seront rayés du paysage politique marocain. Encore une fois, est-ce cela la démocratie ? Il n'y a pas de liberté du refus, seulement une liberté d’accepter.
Qu'en est-il de vos attentes à propos des prochaines élections ?
Je ne me soucie pas du parti qui va gagner aux élections parce que rien ne va changer, que ce soit le PAM ou le PJD, même s’ils deviennent alliés… Ce qui est fixe, c’est le fait que la forme actuelle de notre démocratie a échoué ! Rien ne va changer parce que les règles du jeu n'ont pas changé. Les mêmes personnes dans les mêmes conditions vont inévitablement conduire au même résultat. Nous n’avons pas choisi la démocratie comme système politique, nous organisons seulement des élections.