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Grand Angle

Caserne Youssef Ibn Tachfine à Marrakech : Des familles de militaires attendent l'application d'une décision signée par le roi en 2001

Douar Bin Lakchali pour les Marrakchis, Youssef Ibn Tachfine pour les autres. Ce quartier fait parler de lui depuis 2011. Et pour cause, ses habitants, composés d’anciens combattants, de militaires retraités, des veuves et de leurs ayants droit réclament des titres de propriété pour leur maison qu'ils ont construites il y a plusieurs années. Face aux tergiversions des autorités, la souffrance s’éternise, surtout que des haut-gradés de l’armée auraient bénéficié récemment d’une cession de terrains. Témoignages.

Publié
Photo d'illustration. /DR
Temps de lecture: 3'

Les habitants de la ville de Marrakech connaissent l’histoire du camp de casernement Youssef Ibn Tachfine, situé en face du lycée français Victor Hugo. Un «douar » selon les autorités locales qui nécessite la réhabilitation. Un terme que ses habitants, composés de militaires et retraités de l’armée, ainsi que leurs ayants droit, refusent catégoriquement.

Or, récemment, des officiers et des haut-gradés auraient bénéficié des titres de propriété de leur maison dans la même zone alors que les autres familles attendent toujours depuis 2011. C’est ce que nous confie Ahmed Amine Aâmil, de l’Amicale du martyr Ahmed Qarmach, une des associations constituées par les habitants de ce quartier.

«Embargo » établi par les autorités locales et militaires

«Ils ont cédé des terrains à des officiers qui vivaient dans la même situation que nous à des prix de 36 dirhams le mètre carré», ajoute-t-il, évoquant les haut-grades de ces officiers. «Maintenant, ils les transforment en immeubles pour les vendre à des milliards », poursuit Ahmed Amine Aâmil. «Notre souffrance doit être médiatisée. Nous sommes des anciens combattants, nous sommes des militaires retraités, des veuves, des enfants de martyrs et même des prisonniers libérés des geôles du Polisario à Tindouf », indique notre interlocuteur.

Selon lui, le quartier existe depuis les années 50. Aujourd’hui, les habitants dénoncent un «embargo » établi par les autorités locales et militaires depuis la célèbre manifestation de 2011. Pourtant le 10 mai 2001, la note de service n° 2642, signée par le Roi Mohammed VI, Chef suprême et Chef d’Etat-major général des Forces armées royales (FAR) indiquait la cession des logements, propriété de l’Agence de logements et d'équipements militaires (ALEM), au personnel qui les occupent. Un texte qui intervient «dans le cadre de la haute sollicitude» dont le Roi entoure les éléments des FAR pour améliorer leur condition sociale, lit-on sur la note de service.

Les habitants sommés à quitter leur maison

Dix ans plus tard, alors que le dossier n’avait pas connu d’événements marquants, les autorités sont venues annoncer aux habitants du quartier en question qu’ils vont être délocalisés. Leur quartier étant considéré comme un bidonville. «Sans aucun préavis, ils sont venus nous dire qu’ils vont nous déloger vers le pôle urbain Aâzouzia. Ils l’appellent pôle urbain bien qu’il ne l’est pas vraiment», commente notre interlocuteur. Situé tout près d’Oued Tensift, ce pôle trouve, en effet, beaucoup de mal à séduire les Marrakchis.

Le 26 février 2011, une manifestation de l’ensemble des habitants a eu lieu à Marrakech. « C’est grâce à l’intervention de sa majesté le Roi que les autorités civiles et militaires ont accepté de signer un procès-verbal pour la réhabilitation du quartier, signé notamment par l’ancien wali de Marrakech, Mohamed Mhidiya ainsi que Mohamed Ouadi, représentant de l’autorité militaire et le Colonel major, directeur de la caserne de Marrakech », se rappelle Ahmed Amine Aâmil.

Mais alors que les autorités locales estiment que le camp de casernement Youssef Ibn Tachfine n’est qu’un bidonville, un argument qui est mis en exergue comme la raison derrière la délocalisation, ses habitants avancent un tout autre argument. «Au final, ils veulent nous délogés parce qu’il s’agit d’une zone qui suscite la convoitise des promoteurs immobiliers. Le terrain vaut maintenant plus que 20.000 dirhams le mètre carré », nous confie le président de l’Amicale du martyr Ahmed Qarmach.

Une terre collective occupée par les militaires à l’origine

«Nous avons les infrastructures nécessaires, y compris l’eau, l’électricité et l’assainissement. Ils veulent nous jeter aux chiens, alors que nous avons sacrifié nos vies et notre jeunesse à défendre notre pays», dit-il amèrement. Revenant sur l’histoire du quartier, notre interlocuteur nous rappelle que le « terrain a été cédé par l’Etat à l’ALEM avec un prix d’un dirham/m2 en 1992». A la base, «il ne s’agit que d’une terre collective de nos grands-pères qui a été occupée par les militaires », poursuit-il.

«Nous ne cherchons pas l’affrontement ou les querelles. Nous ne voulons pas donner des pots-de-vin, nous voulons des autorisations du ministère de l’Habitat pour construire, mais d’abord nos titres de propriété» nous répond-t-il lorsque nous lui avons posé la question sur les principales revendications des habitants. Ces derniers espèrent bénéficier, eux aussi, du même prix de cession accordé aux officiers et haut-gradés. «Quand est-ce que nous serons considérés comme des humains ? », conclut Ahmed Amine Aâmil.

S’agissant du manque de communication des autorités, nous en avons eu un échantillon. Contacté par notre rédaction, le secrétariat d’Abdellatif Loudiyi, ministre délégué chargé de l'Administration de la Défense nationale, nous a invité d’abord à envoyer nos questions par mail et par fax. Chose faite le vendredi 19 août dernier. Depuis, nos questions «ont été transférées aux services concernés », à en croire la réponse de cette administration. Parallèlement, nous avons tenté de joindre la direction générale de l’ALEM mais en vain.

Article modifié le 2016/08/31 à 14h01

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