«Aux Etats-Unis, il n’y avait pas de demi-fond il y a dix ans, là ils arrivent à avoir les meilleurs du monde. La Russie aussi, la France aussi a connu ça, il y a du dopage partout (…) A un moment je ne voulais pas travailler à Ifrane parce que c’était la plaque tournante du dopage en stage.» C’est ce qu’a déclaré à L'Equipe l’athlète français Yoann Kowal qui a terminé sixième de la finale du 3000 m steeple mercredi 17 août, derrière le Marocain Soufiane El Bakkali.
Une manière de réagir à la performance de certains athlètes. Sans toutefois évoquer un cas d’athlète marocain, il a nommément cité le Kenyan Ezekiel Kemboi, qui a raté de justesse la médaille de bronze, révoquant en doute l’origine de sa performance en finale. Sa sortie médiatique est relayée depuis hier sur Twitter.
Ifrane, plaque tournante du dopage
— Michel Tournier (@Real_Black_Cat) 17 août 2016
Accusations graves
Un commentaire? @AzizDaouda https://t.co/Gjadp8odso pic.twitter.com/zrNFVrSDua
«Intolérable et ridicule»
Les réactions marocaines aux assertions de Yoann Kowal se comptent encore sur le bout des doigts. La Fédération royale marocaine d’athlétisme (FRMA), que Yabiladi a tenté de contacter, est restée injoignable. Interpelé dans un tweet pour un commentaire, Azia Daouda, directeur technique de la Confédération africaine d’athlétisme, ancien athlète et ex-directeur technique de l’équipe nationale d’athlétisme, s’est contenté de dénoncer une déclaration «intolérable et ridicule».
C'est intolérable et ridicule. Je ne sais pas comment il s'imagine Ifrane... https://t.co/8OgA4jQOyE
— azizdaouda.com (@AzizDaouda) 17 août 2016
L'enquête du comité olympique, nécessaire
Pour Moncef El Yazghi, analyste sportif et chercheur universitaire en politique sportive, de telles déclarations devraient faire réagir les autorités olympiques. «Yoann Kowal évoque un sujet qui fait le buzz dernièrement. Je crois que le rôle du comité olympique est d’ouvrir une enquête pour dévoiler ce qui se passe en réalité», explique-t-il dans un entretien à Yabiladi.
En réalité, Yoann Kowal n’est pas vraiment à l’origine du «scoop» puisque la réputation d’Ifrane en tant que «plaque tournante du dopage» remonte à plusieurs années. Selon l’Economiste, des enquêtes auraient révélé l’existence de réseaux organisés dans le trafic de substances prohibées impliquant des Français, Espagnols, Koweitiens, Bahreïnis, Saoudiens, Qataris et Suédois, entre autres.
Pour une «enquête approfondie» par le Maroc, avec publication des résultats
Plusieurs témoignages corroborent également ces rapports. En 2007, après avoir été lui-même sanctionné pour dopage, l’athlète marocain Aïssa Dghoughi avait révélé le recours aux substances illicites de plusieurs athlètes français lors de leurs stages à Ifrane.
Quelques années plus tard, Fouad Chouki, athlète franco-marocain, lui aussi tombé pour dopage, se confiait à Libération : «Je me rappelle avoir assisté là-bas à une séance d’un athlète marocain champion du monde. Dix fois 1 000 mètres en 2’38’’, avec 1’30’’ de récupération entre les séances. Sans aucune goutte de sueur (ce qui laisse augurer le dopage, ndlr). C’est pour cela que beaucoup se cachent pour s’entraîner».
Ces dernières années, la réputation de l’athlétisme marocain a été ternie suite à différents scandales de dopage. Dans la foulée des témoignages autour du centre de concentration d’Ifrane, la FRMA a ouvert une enquête en 2007 qui a abouti en mai dernier à l’identification de six athlètes du royaume suspectés de dopage.
Une démarche appréciée dans le milieu sportif, mais jugée encore insuffisante face à la «gravité apparente» de la situation, juge Moncef El Yazghi. «Le Maroc devrait ouvrir une enquête approfondie, en publier les résultats et définir une stratégie de lutte afin que lumière soit faite une bonne fois pour toutes et de manière officielle sur la mauvaise réputation d’Ifrane.»