Ahmed Raïssouni est un religieux à part ; il multiplie les sorties médiatiques sur les faits de société. Après ses déclarations à l’origine d’une polémique sur les dé-jeûneurs pendant le Ramadan en prenant position en faveur de l’abrogation de l’article 222 du Code pénal, le voilà qui revient sur l’enterrement des athées marocains dans les cimetières réservés aux musulmans.
«Les grands rites en islam sont tous d’accord pour interdire ce genre d’inhumation», a rappelé le numéro 2 de l’Union internationale des oulémas musulmans (sunnites) dans un article publié sur son site. Et d’expliquer que les lieux de sépulture sont avant tout des «terres offertes par leurs anciens propriétaires à l’institut du Waqf, relevant du ministère des Affaires islamiques, pour accueillir uniquement les corps des musulmans». Ils ont également convenu d’interdire l’accomplissement de la traditionnelle prière mortuaire sur eux, ajoute-t-il encore.
Le décès d’un poète amazigh relance le débat
Une piqûre de rappel quant à certains dogmes de l’islam qui intervient deux semaines après les circonstances ayant émaillé l’inhumation d’un poète amazigh, Mohamed Chacha, décédé aux Pays-Bas, qui a eu lieu dimanche 3 juillet au cimetière Ras Al Maâ de Nador. Plusieurs amis et membres de sa famille ont en effet refusé de l’enterrer selon les règles du rite musulman, souhaitant plutôt accomplir les dernières volontés du défunt.
Ainsi, la prière mortuaire n’a pas été effectuée, aucun verset du Coran n’a été lu, des femmes étaient présentes lors du convoi funèbre et dans le cimetière, et beaucoup de drapeaux amazighs ont été brandis par les participants. Autant d’actes qui ont choqué la population y compris au sein de la mosaïque des mouvements amazighs, plutôt favorables à une opération d’inhumation conforme aux normes musulmanes.
En mars 2013, c’est le poète Abdellatif Laâbi, prix Goncourt de la poésie en 2009 qui avait publiquement revendiqué son droit à un enterrement civil, ôtant toute référence à l’islam. Il avait également demandé à ses proches d’exaucer ses vœux le jour de sa mort. D’autres intellectuels du royaume relevant de ce courant n’ont pas encore osé franchir le Rubicon. Une revendication largement appuyée par Ahmed Raïssouni, qui appelle les autorités à réserver des «cimetières civils» pour les athées marocains.