«Comment allons-nous faire pour installer un bureau de vote aux Etats-Unis ? Ou en Israël où vivent entre 700 000 et 800 000 Marocains ?», s’interroge Mohamed Hassad, ministre de l’Intérieur, à la Chambre des représentants mardi 12 juillet, tel que rapporté par les médias arabophones.
La question du ministre est en fait une réponse à la proposition du vote des MRE aux élections législatives du 7 octobre prochain auquel M. Hassad trouve de nombreuses problématiques qui n’ont cependant pas été rapportées. En clair, il s’y oppose. L’installation d’un bureau de vote serait-elle si difficile aux Etats-Unis où ne vivent que 150 000 MRE selon les données du ministère chargé des MRE ? Que doit-on comprendre de la mention des 800 000 Marocains d’Israël ? Sont-ils trop nombreux pour une organisation des élections ou est-ce en lien avec le conflit israélo-palestinien dans lequel la position du Maroc est connue ? Les questions que suscite la déclaration du ministre de l’Intérieur sont nombreuses et peuvent aller dans tous les sens.
Une affaire de constitutionnalité
Pour les associations MRE militant depuis des années en faveur de la pleine participation des Marocains du monde à la vie politique du Royaume, il s’agit encore d’ «une méthode» du gouvernement pour esquiver la question fondamentale, celle de la mise en œuvre de la Constitution de 2011. «C’est scandaleux ce genre de réponse», s’insurge Boualam Azahoum de l’association El Ghorba en France. Il estime que si le principe de la participation politique des MRE est régi par la Constitution, c’est au gouvernement de trouver les modalités de mise en application, «et non pas seulement dire que c’est difficile». «Puisqu’ils avancent cet argument depuis longtemps avant même la nouvelle constitution, ils n’avaient qu’à ne pas inclure cela dans le texte final. Et dire ouvertement ce qu’ils pensent ».
«Le ministre de l’Intérieur est-il en train de dire que les MRE à travers le monde n’ont pas participé à la large consultation en vue du référendum de 2011 ? Les Marocains de l’étranger doivent-ils revenir au Maroc pour faire leurs papiers ? Si oui, cela veut dire qu’il y a un problème d’administration. Sinon, la question de l’organisation du vote à l’étranger ne se pose pas», tranche ce responsable associatif qui milite depuis des années pour la participation effective des MRE dans la vie politique du Royaume. Et d’ajouter : «La question qu’il faut se poser est de savoir qui au Maroc veut réellement que les MRE votent ? Et qui fait le nécessaire pour ?»
Si Israel pose problème, les solutions ne peuvent manquer
Si, à tout hasard, le ministre évoquait le nombre de Marocains en Israël en sous-entendant l’état des relations diplomatiques entre les deux pays, les associatifs estiment que la question peut être résolue d’autres manières. «On ne peut empêcher les MRE répartis à travers le monde de voter à cause d’un pays qui pourrait être diplomatiquement difficile à gérer», estime M. Azahoum, soulignant que Rabat pourrait soit traiter le cas d’Israel à part, ou mettre en place d’autres système de vote comme le vote électronique. A noter cependant qu’à la Chambre des représentants, Mohamed Hassad a également rejeté l’idée de l’inscription des électeurs par voie électronique.
Ces dernières années, les MRE ont multiplié les recours pour pouvoir faire appliquer la constitution et ainsi exercer leur droit de vote. Le dernier en date en juin dernier lorsqu’une délégation de Marocains du monde a affirmé après une visite au Maroc avoir obtenu du même ministre de l’Intérieur notamment l’engagement de «proposer ou à approuver, dans un esprit de consensus et loin de toute surenchère, des amendements au projet de loi organique N°20.16» qui garantiront la représentation parlementaire distincte des MRE lors des prochaines législatives. Paroles en l’air ?
«Grave erreur stratégique»
Il semble qu’en mai dernier, le ministre chargé des MRE, Anis Birou ait donné la vraie position du gouvernement, affirmant -lors d’un forum de jeunes MRE à Marrakech- que leur vote direct serait impossible pour les législatives 2016. Mais désillusionnés, les Marocains de l’étranger se demandent bien quand pourront-ils enfin exercer leurs droits constitutionnels. «Ils avaient cinq ans pour tout mettre en place depuis l’adoption de la nouvelle constitution, mais ils n’ont rien fait. Il y a un manque flagrant de volonté politique », constate amèrement Boualam Azahoum.
Pour Cap Sud MRE, l’attitude du gouvernement vis-à-vis de sa diaspora contribue à l’éloignement des nouvelles générations. «Le fondement de la citoyenneté et de la démocratie passe par la participation politique. Le Maroc commet une grave erreur stratégique, démographique et sociale en excluant les deuxième et troisième générations de la vie politique».