«Les Italiens ne valent pas mieux que les Marocains. On ne peut pas leur éviter le danger de la pollution et nous le faire subir», s’offusque l’écologiste Mohamed Benata, président de l’association Espace de Solidarité et de Coopération de l’Oriental (ESCO). Il réagit ainsi à l’importation de déchets d’Italie par le Maroc qui fait polémique depuis quelques jours. «On prépare la COP22 pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, mais on importe des déchets polluants. C’est aberrant», s’indigne-t-il.
Contradictions/contradictions
Le ministère délégué chargé de l’Environnement a tenté d’éteindre la polémique, hier, indiquant dans une communication officielle qu’il s’agit de déchets de type «RDF» non dangereux, ajoutant notamment que l’opération est conforme à la loi. Mais les arguments du département de tutelle sont loin de convaincre les associations écologiques.
«S’il n’y a avait véritablement aucun danger, les Italiens auraient détruit ces déchets chez eux, c’est évident», estime M. Benata avant d’ajouter : «comme à l’accoutumée, les responsables de l’environnement dans notre pays tiennent un discours très écolo, mais dans les faits, c’est totalement le contraire».
Les autres ONG à travers le Royaume sont du même avis. Chez Attac-Catdm Maroc, on dénonce la contradiction avec notamment «l’esprit» de la loi anti-sac plastique entrée en vigueur ce vendredi 1er juillet. «On nous parle tous les jours de "Zéro mika" pour soi-disant protéger l’environnement, mais on accepte d’importer des déchets d’ailleurs. Tout cela en pleine préparation de la COP22. Que de contradictions !», dénonce un membre de l'association, estimant que la destruction de déchets nationaux est compréhensible, mais elle ne l’est pas lorsque ces derniers viennent de l’étranger. «Nous ne voulons pas être un pays poubelle des économies développées», rejette-t-il.
Quand le business prime ?
Même son de cloche à l’association Homme et Environnement de Berkane qui pense que l’Italie pourrait marquer le début d’une série d’importations de déchets européens. «Le traitement des déchets est devenu un business. C’est une question d’argent, tout le monde le sait», affirme le président, Najib Bachiri, estimant qu’en agissant ainsi le gouvernement ouvre la porte à toute sorte de dérives de la part des sociétés privées.
Chose qu’appuie un expert qui requiert l’anonymat. «La destruction des déchets polluants coûte très cher en Italie, en raison du risque d’émission de dioxines notamment. Il y a donc beaucoup d’argent en jeu pour un pays comme le Maroc qui est moins regardant sur la qualité des déchets et qui propose un cahier des charges moins contraignant», explique-t-il. Mais il tient à souligner tout de suite qu’«il n’y a au Maroc aucun incinérateur répondant aux normes internationales».
Les associations pensent que le gouvernement «profite du manque de contrôle et de la faiblesse du réseau associatif» pour autoriser ce genre d’activités. Elles entendent aujourd’hui se mobiliser et solliciter l’aide de Greenpeace Italie pour empêcher une nouvelle importation des déchets d’Italie.