Depuis plusieurs années, le Maroc a été le décor de plusieurs films étrangers. Du film «Lawrence d’Arabie» à la série mythique «Game of Thrones», plusieurs production dont l’intrigue est censé se dérouler dans des pays existants comme la Somalie, l'Afghanistan, l'Arabie Saoudite, l'Egypte, la Macédoine ou le Tibet ou encore dans des contrées totalement imaginaires comme Yunkai ou Astapor, ont eu pour cadre des villes marocaines.
Orientalisme et stéréotypes sur les Arabes
Selon The Guardian, cette utilisation des paysages marocains comme décor de substitution n’est pas pour plaire à certains professionnels marocains du cinéma. Ces derniers dénoncent la promotion d’un orientalisme exotique par les producteurs hollywoodiens et le renforcement des stéréotypes. La professeure Amal Idriss, explique être tombée des nues en reconnaissant l’architecture marocaine dans le film American Sniper. Le film réalisé par Clint Eastwood, censé se dérouler en Irak, à plus de 5 000 kilomètres du Maroc, avait pour cadre en fait les villes de Rabat et de Salé. «Nos mosquées et nos habitations sont très spéciales. Ce n’est pas le Moyen-Orient. Je ne pense pas qu’ils [les cinéastes d’Hollywood] saisissent cette différence ou y fassent attention. C’est un énorme détail qui n’est pas un non sens. Pour moi c’est comme le ciel et la terre. Mais pour eux, ça n’a pas d’importance », confie Amal Idrissi.
Karim Aitouna, un réalisateur marocain aujourd’hui installé en France, s’insurge-lui contre les stéréotypes véhiculés par les films notamment dans le choix des figurants particulièrement à Ouarzazate qui a été le décor de plusieurs longs métrages. «Quand un nouveau tournage est sur le point de commencer, [les figurants marocains] se laissent pousser la barbe. C’est un critère très important pour les castings de films historiques mais aussi des films sur le terrorisme. [A Ouarzazate], Tout le monde garde tout le temps la barbe non pas parce qu’il le veut mais dans l’attente d’un casting».
Le réalisateur Othmane Naciri aborde lui le rôle réducteur octroyé aux acteurs marocains. «Les Marocains se voient accorder des rôles avec le profil type des arabes: terroristes, méchants, selon le point de vue américain. Nous ne sommes pas loin du point de vue des occidentaux dans les années 50 avec le bon, la brute et le truand», a-t-il analysé voyant l’utilisation du Maroc comme décor de substitution en raison des coûts moins élevés de tournage.
Une représentation pas toujours fidèle à l’image du Maroc
Dans son sillage Lamia Chraïbi dénonce une représentation biaisée du Maroc à travers les productions hollywoodiennes. Pour elle, la représentation que les films hollywoodiens véhiculent « n’est pas le Maroc moderne. C’est l’idée qu’ils veulent en avoir. C’est un orientalisme : la manière occidentale de voir le Maroc. Ils veulent continuer de le voir comme il y a 60 ans».
Mais pour Saïd Chraïbi, un problème plus grave est à relever. Il pense qu’au niveau artistique, la population locale ne profite pas assez des tournages des films étrangers au Maroc. «Sur le plan artistique cela n’apporte rien. Même si les techniciens peuvent être formés et obtenir des emplois sur les plateaux de cinéma, ils [réalisateurs hollywoodiens] monopolisent les techniques et supprime les réalisateurs marocain», dénonce Saïd Chraïbi. Ce dernier reconnaît quand même que le tournage au Maroc est intéressant du point de vue où le Maroc peut permettre de mettre la lumière sur les conflits dans les pays arabes et le monde en servant de décor.
De plus, le réalisateur marocain souligne que grâce aux films étrangers, l’Etat peut financer jusqu’à 25 productions nationales boostant ainsi le secteur au Maroc. Pour Amal Idrissi, prendre le Maroc comme décor pour des films de guerre avec des figurants marocains habillés de djellaba, donne une mauvaise image du royaume qui pourrait dissuader les touristes de venir car ce serait la représentation qu’ils se feront du Maroc. Mais c’est peut être le contrepoids du sacrifice de porter le titre d’une des premières destinations de tournage au monde.