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Leçon de politique par des rappeurs marocains [Explicit Lyrics]

Face à un paysage politique où être jeune c’est avoir environ 50 ans, les rappeurs sont devenus les porte-paroles d’une génération qui ne se sent plus impliquée dans l’avenir du Maroc. Si beaucoup connaissaient Bigg El Khasser pour son côté bad boy sur-joué, d’autres jeunes artistes, bien plus doués au niveau de leurs textes, sont en train d’émerger. Ils n’ont pas attendu les soulèvements populaires en Tunisie et en Egypte pour chanter des textes subversifs. Zoom sur le rap engagé made in Morocco.

Publié
Madi, avec la chanson incendiaire "Ma 9olt walo"
Temps de lecture: 4'

La jeunesse marocaine et la politique. Un couple qui fait chambre à part depuis les années 70. D’un côté des zaïms (leaders) qui ne veulent pas partager le pouvoir, et de l’autre la jeunesse qui ne croit plus en la politique des partis. Les deux se regardent en chien de faïence, se reprochant l’un et l’autre leur irresponsabilité. Sommes-nous face au dilemme de l’œuf et de la poule ?

Objectif : faire de l’ombre aux jeunes pousses

Quand on pose la question aux partis, ils objectent que les portes du militantisme politique sont ouvertes et qu’ils espèrent de tout cœur un engagement plus prononcé des jeunes. Mais là où le bat blesse, c’est l’image de club privé au niveau de la direction des partis politiques. Ces derniers donnent l'impression d'avoir appuyé sur la touche pause du magnétoscope, afin de garder les mêmes têtes aux mêmes places. Les générations passent, les zaïms restent. A l’image d’un vieil olivier centenaire qui ne donne plus beaucoup de fruits, mais dont le seul intérêt est de faire de l’ombre aux jeunes pousses.

Servir ou se servir ? That is the question !

On rigole, on rigole, mais peut-être sont-ils tout simplement fidèles à leur parti. Peut-être ont-ils fait un serment à l’image d’un couple : «Mon parti et moi, nous sommes unis, jusqu’à ce que la mort nous sépare».
- Et la retraite messieurs ?
- Connais-pas ! Nous sommes d’une jeunesse éternelle. Nous voulons continuer à nous servir de notre pays.
- Comment ca ? Vous servir dites-vous ?
- Enfin je voulais dire servir notre pays. Veuillez excuser ce malencontreux lapsus.
- Hum, lapsus… accusateur !

Mais ne jetons pas le pépé avec l’eau du bain. Il faut souligner les tentatives de rapprochement (oups j’étais sur le point d’écrire récupération !) avec cette jeunesse. En 2007, l’USFP (socialiste) avait organisé son festival «Printemps de la Rose» en invitant de nombreux groupes de rap dont notamment Big, la star du moment. Evidemment, c’était sincère et cela n’avait rien à voir avec les élections législatives qui avaient lieu quelques mois après. 

La gérontocratie politique n’a, bien entendu, pas épargné les autres partis. Très peu pourront arguer comprendre les attentes de cette jeunesse qui représente tout de même la majorité de la population. Le dernier recensement de 2004 indique que 41% de la population à moins de 20 ans; selon des estimations de 2010, la moitié de la population a moins de 26 ans et demi.

Quand les rappeurs réclament l’Etat de droit

Pourtant il existe une solution très simple face à cette politique de l'autruche : écouter ces même jeunes qui couchent tous leurs maux sur des textes de rap. Il y a eu début 2010, le clip de Muslim et Chahtman avec un titre explicite : «Fine 7aqna» (Où est notre dû ?). Le duo de rappeurs envoie un message cru aux décideurs politiques, «des chiens qui nous ont pris ce qui nous revenait de droit». Très lucides face à la parodie d’Etat de droit, ils balancent comme un couperet : «vous nous avez offert des ailes en ajoutant : 'ne rêvez pas de voler'». Quelle ironie du sort, des voleurs qui prennent les jeunes pour des pigeons !

Même s’ils ont souvent été décriés et traités d’irresponsables, ces jeunes rappeurs font preuve d’une étonnante conscience politique et patriotique. «Nous voulons notre part de Sebta mais aussi de Melillia» en référence aux deux enclaves occupées par l’Espagne.

On «Madi» d’écouter ce rappeur de Tanger

Un autre rappeur se démarque par la cohérence de son message et des textes encore plus «Explicit lyrics». Madi, le jeune talent du rap tangérois va au clash dès le premier couplet de la chancon «Ma9olt walu» : «Nous ne comprenons plus rien. Qui nous gouverne maintenant ? Est-ce que c’est celui qui est imprimé sur le Dirham, ou bien le chef d’une bande de malfrats». Vous étiez prévenus, explicit lyrics ! Mais qui vise-t-il ? Le Roi ou le chef du gouvernement ? Il faut écouter la suite pour avoir la réponse. Dans le deuxième couplet, il balance : «Regardez Abass El Fassi, mon pote depuis bien longtemps. Lui et sa bande de singes qui font régresser ce pays». Madi exprime la prise de conscience de cette jeunesse face aux décideurs politiques en rappelant : «Nous ne sommes pas dupes de votre petit jeu».

Comme Muslim et Chahtman, Madi tient un discours dénonciateur mais responsable quand il s‘agit de l’intégrité territoriale. Il dénonce la responsabilité du pouvoir dans le double jeu patriotique alors même qu’il ne fait rien pour récupérer Sebta et Melillia. «Ils nous distraient avec le Sahara jusqu'à ce que Sebta et Melilla nous soient dérobées. Il ne faudra pas s’étonner de voir Tanger et Tétouan occupées».

Des rappeurs montrent aujourd'hui que le courage politique n'est pas du côté des grands partis. Et loin d'être anesthésiés par les promesses électorales qui fleurissent 3 mois avant les éléctions, ils gardent une lucidité étonnante sur la déliquescence de la sphère politique au Maroc. Il est tout de même incroyable de découvrir plus d'opposition dans un texte de rap, que dans un discours d'un député de l'opposition au parlement. 

Finalement, je crois que je me suis bien compromis avec cet article. Pour paraphraser Madi dans son refrain :

- Waou ! T’as vu ce qui sort de ces lignes ?
- Moi je n’ai rien dit. C’est juste ma bouche qui semble avoir la rage.
- Le tonnerre gronde, et te voilà dans le viseur du Makhzen.
- Sur qui vas-tu pouvoir compter, toi qui dis que tu n’as rien dit ?

En arabe dans le texte :

لعفو لي خارج من هاد سطورا
انا ما قلت والو غير فمي حروفو مسعورا
لعافيا هاهيا بدات ولمخزن عملك ف بالو
عير علامن عوال يالي قلتي ماقلت والو


Madi : Ma9olt walu (en bonus, les lyrics en darija)

Chahtman Feat. Muslim : Fin 7a9na

eh
Auteur : MOHAMMED
Date : le 07 février 2011 à 12h00
l'istiqlal et les socialistes sont au pouvoir depuis l'indépendance et on a pas avancé d'un iota si on compare avec d'autres pays (dont la corée du sud, la malaisie ou même israel). Aujourd'hui on tente d'imposer un nouveau parti ((PAM) des proches du Roi Mohammed6) qui va tenter de les mettre KO eux et les islamiques pour reprendre le flambeau de la régression chronique et rester un pays en voie de développement.
j'étais désespéré, mais les autres pays de la région ont montré que le changement pouvait se faire alors il est tant que le Maroc soit à la hauteur de ce qu'il devrait être. Toutes les grandes puissances passées sont en train de ré-émerger et nous sommes encore à la traine.
Le Roi a le pouvoir et la popularité pour virer le parlement et nommer des responsables spécialisés dans les domaines où il les placerait en attendant que le pays remonte à la surface et ensuite seulement, leur rendre une partie du pouvoir qu'ils n'ont pas su mettre à profit du peuple et de la nation pendant des décennies.
La recherche est un domaine essentiel pour le développement d'un pays mais malheureusement il n'existe pas dans notre pays, c'est pourquoi nous ne produisons rien à part des fruits, des légumes, du hachich ou des produits pour lesquels on nous supervise pendant la fabrication. Nous n'inventons rien!!! alors que nous avons du potentiel et une diaspora présente dans tous les domaines possibles et imaginables.
c'est une impression ou...
Auteur : MOHAMMED
Date : le 07 février 2011 à 11h42
... y en a qui ont rien compris à l'article...?
Poussée cérébrale d'acné ?
Auteur : hawkwind
Date : le 07 février 2011 à 10h30
Faire de jeunes show-businness-men des chantres de la démocratie démaquillée, peut être acceptable dans une certaine mesure. Mais, en faire des gardiens emblématiques de la conscience politique et militants progressistes actifs sur le front volatil de la lutte socio-politique légitime, toujours en gestation, c'est pousser le bouchon un peu trop loin, et infantiliser la citoyenneté responsable, à l'instar des gérontocrates décriés par cet article.
...
Auteur : elboury.saad
Date : le 06 février 2011 à 04h01
Éclaire nous, monsieur je sais tout !
Le meme refrain
Auteur : abdes73
Date : le 05 février 2011 à 14h29
Le refrain selon lequel ce sont les vieux qui font de la politique commence à devenir lassant. On essaie de faire croire aux marocains que c'est une spécificité marocaine c'est pitoyable. Les marocains doivent savoir que ce refrain ou devrais-je dire cette sauce est servi aussi en France. Les jeunes qui veulent s'engager dans la politique peuvent le faire sans problème.
Ces rappeurs me font rire ils vont faire comme en France qui ont décrié le système pendant quelque années. Une fois qu'ils se sont enrichis ils ont les mêmes comportemnts que les nantis et ils ont ont un discours méprisant à l'égard de la banlieue dont ils sont issus.
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