Marine Le Pen joue les juifs contre les musulmans, mais ça ne marche pas. Fin avril, Michel Thooris, juif et membre du comité central du Front National, fonde l’Union des patriotes français juifs dans le but avoué de rapprocher les juifs du Front. Il prévoit notamment de demander son adhésion au CRIF. «Ce sera intéressant de voir la position du CRIF, on va le mettre face à ses responsabilités. Le CRIF est dans la dénégation vis-à-vis du vote FN des Français juifs, on va lui montrer que sa politique de l’autruche ne sert à rien », déclare-t-il alors auprès de Libération.
Cette nouvelle association n’a d’autres fonctions que de relayer le discours de Marine Le Pen, en rupture avec le vieil antisémitisme de son père. «Je ne cesse de le répéter aux Français juifs, qui sont de plus en plus nombreux à se tourner vers nous, disait Marine Le Pen à Valeurs Actuelles en 2014. Non seulement, le Front national n’est pas votre ennemi, mais il est sans doute dans l’avenir le meilleur bouclier pour vous protéger face au seul vrai ennemi, le fondamentalisme islamiste.»
«Le Front national n’est pas votre ennemi»
La stratégie de dédiabolisation de Marine Le Pen a déjà connu un certain succès parmi les juifs français. Ils étaient 13,5% à voter FN en 2012, contre 4,7% en 2007. Si cette part a doublé, elle reste encore inférieure presque de moitié à la moyenne nationale.
«Le Front National n’est pas votre ennemi», assure Marine Le Pen, pourtant, le rapport 2015 sur La Lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie du CNCDH rendu publique le 5 mai 2016, montre une autre réalité : la dédiabolisation du parti ne s’opère qu’en surface. «Les contrastes sont encore plus frappants en termes de proximité partisane : 55 % des proches du FN ont des scores élevés d’antisémitisme et 47 % des proches de Les Républicains, contre 25 % chez les proches du Front de gauche», révèle les auteurs du rapport.
‘Les ennemis de mes ennemis de sont [pas] mes amis’
Marine Le Pen voudrait jouer de la peur du fondamentalisme musulman présent au sein de la communauté juive pour désigner par amalgame les musulmans comme un ennemi commun, selon le principe inversé : ‘les ennemis de mes ennemis sont mes amis’. Pourtant, non seulement, la majorité des sympathisants FN restent antisémites, mais en plus dans toute la société française les racismes antisémites et islamophobes ne s’opposent pas : ils vont de pairs. Etre islamophobe n’a jamais empêché d’être aussi antisémite, bien au contraire.
«On peut construire une échelle globale d’ethnocentrisme, où le rejet des juifs va de pair avec celui des musulmans, des étrangers, des immigrés, indique le rapport, en fait, l’antisémitisme tel que le mesure notre échelle est même plus corrélé avec l’échelle de rejet des immigrés qu’avec l’image d’Israël ou la vision du conflit israélo-palestinien.»
1% des musulmans a une image négative du judaïsme
Enfin, l’étude montre également que contrairement à ce que suggère régulièrement Marine Le Pen, les musulmans ne sont pas plus antisémites que les autres. «La religion juive est à la fois bien perçue par les catholiques pratiquants (74 %) et par les musulmans (71 %). 24 % de ces derniers en ont une image neutre, 1 % une image négative (4 % ne se prononcent pas)», révèle le rapport.
Certes, de sa perception déclarée du judaïsme, à la réalité de ses sentiments, il y a un pas, mais ce sont les catholiques (plutôt non pratiquants) qui le franchissent les premiers. En recoupant les opinions et préjugés sur différents sujets, le CNCDH détermine que «globalement les catholiques se montrent un peu plus antisémites que la moyenne, suivis par les fidèles d’une autre religion, et les moins antisémites sont les personnes qui se déclarent sans religion (respectivement 45, 43 et 38,5 % de scores élevés)», indique le rapport ; contre 42% pour la moyenne nationale.