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Grand Angle

Maroc : Une fratrie de MRE conteste le traitement judiciaire pour une mise sous tutelle de leur père atteint d'Alzheimer

Ils sont au nombre quatre. Tous résidant en France, les frères Safer bataillent depuis près de 4 ans pour la mise sous tutelle de leur père atteint d’Alzheimer. Leur demande, émise par l’aîné en juin 2012, a déjà été rejetée en première instance et en appel, malgré l’enquête d’une juge et l’expertise menées par des spécialistes à la demande du tribunal. Craignant des «magouilles» visant à spolier leur père, l’aîné –avec l’aide de son avocate- vient de saisir le n°1 de la Cour d’appel de Casablanca. Il dénonce de «nombreuses irrégularités» dans le déroulé de l’affaire.

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Temps de lecture: 5'

«Si notre père veut léguer ses biens, nous ne pouvons pas nous y opposer, il faut juste que cela se fasse dans la légalité et la transparence», confie à Yabiladi Mohamed Safer, l’ainé d’une fratrie de 4 enfants -résidant en France- issus du premier mariage de leur père, Brahim, aujourd’hui âgé de 86 ans et lié en seconde noce à une femme avec qui il a eu plusieurs autres enfants. Mohamed a déposé une plainte la semaine dernière auprès du Premier président de la Cour d’appel de Casablanca pour contester le rejet par la justice de la demande de mise sous-tutelle de son père, atteint d’Alzheimer.

Tout commence en avril 2012, lorsque Mohamed -en séjour au Maroc- rend visite à son père. «J’ai trouvé la porte ouverte, je suis entrée et il était assis sur les escaliers», se souvient-il. Au bout d’une heure de conversation, son père lui demande : «Tu es le beau-frère de … ?». Etonné, Mohamed va retrouver sa belle-mère au salon, lui demandant ce qu’a son père. «Elle m’a répondu que c’est la vieillesse, rien de grave». L’homme n’insiste pas. Après des aurevoirs chaleureux, il retourne en France.

Un malade d'Alzheimer qui fait don de ses biens ?

A leur tour, deux de ses trois frères cadets débarquent en vacances au Maroc en juillet de la même année. Après avoir passé du temps avec leur père, ils font le même constat : quelque chose qui ne tourne pas rond. Ils demandent alors à l’épouse de ce dernier la possibilité de l’emmener voir un médecin, ce qu’elle aurait refusé. «Elle leur a dit qu’il n’en a pas besoin et que ses réactions étaient normales en raison de son âge», explique Mohamed.

Ayant toutefois des doutes et sentant qu'on leur cache des choses, les deux frères se rendent au Cadastre pour vérifier les propriétés de leur père. Ils constatent que ce dernier a fait don, en novembre 2009, d’un de ses appartements à son épouse par le biais d’un adoul. C’est à ce moment qu’ils découvrent également un compte rendu médical, établit le 14 juillet 2012, par un neurologue casablancais qui suivait régulièrement leur père entre 2005 et 2007. Le médecin constate des trubles amnésiques au départ avant de le revoir en juin 2009 où il diagnostiquera la maladie d’Alzheimer chez l’octogénaire.

Les frères se rendent alors compte que le don d’appartement aurait été fait après le diagnostic de la maladie. Ce même été 2012, ils demandent, auprès du tribunal de première instance de Casablanca, la mise sous-tutelle de leur père. Mais le 8 mai 2013, la demande est rejetée. «Il n’y a pourtant eu aucune enquête», explique-t-il.

La mise sous tutelle rejetée en dépit des preuves d'incapacité

Mohamed fait appel de la décision. Le 15 avril 2014, la juge le convoque, lui ainsi que son père et l’avocat engagée par l’épouse de ce dernier. «La magistrat a commencé par me demander pourquoi je voulais mettre mon père sous-tutelle. Elle s’est ensuite adressée à mon père, lui demandant comment il s’appelle, ses parents, sa femme, combien d’enfants il a, …», explique Mohamed, ajoutant que son père n’a pu répondre à aucune de ces questions. «Même moi, il n’a pas pu me reconnaitre devant la juge, ni sa femme d’ailleurs», ajoute-t-il.

Au terme de l’enquête, la juge établit son rapport -dont Yabiladi détient la copie- dans lequel elle atteste que Brahim Safer «a perdu la mémoire», «n’arrive pas à formuler les phrases», qu’il semble atteint d’Alzheimer comme l’atteste des certificats médicaux.

Deux mois plus tard cependant, en juin 2014, l’affaire est confiée à un autre juge. Celui-ci aurait bizarrement «fermé les yeux», selon Mohamed, sur l’enquête réalisée par son prédécesseur, se basant sur le témoignage d’une personne méconnue du MRE. «Il a fourni un témoignage écrit [dont Yabiladi détient une copie] dans lequel l'individu affirme qu’il était présent lors de l’enquête en appel et que mon père a répondu avec clarté à toutes les questions qui lui ont été posées», explique Mohamed. «C’est totalement faux et ce Monsieur – que je ne connais pas- n’était pas présent lors de l’enquête. Il n’y avait que moi, mon père, l’avocat engagé par sa femme qui était au fond de la salle», détaille-t-il, soulignant que sa belle-mère avait également pris un nouvel avocat à ce stade de la procédure.

Février 2015, la cours ordonne une expertise réalisée par un psychiatre et un neuropsychiatre. Après examen de l’octogénaire, les deux spécialistes concluent que ce dernier «a du mal à parler, comprendre…», qu’il est «incapable de vivre de façon autonome et qu’aucune amélioration de son état n’étant envisageable, il a besoin d’être pris en charge pour ses affaires civiles et juridiques». Un rapport qui va dans le sens de la requête des frères Safer, ainsi que du rapport de la juge précédente.

En dépit de cela, Mohamed et ses frères seront surpris. Au mois de juillet, la demande de mise sous tutelle de leur père est à nouveau rejetée. Depuis, la fratrie MRE dénonce la façon dont le juge remplaçant a traité le dossier. «L’enquête menée par la première juge et ignorée par son remplaçant était le cœur de cette procédure», relève Mohamed. Dans la plainte déposée la semaine dernière, il réclame l’ouverture d’une enquête pour «parvenir à la vérité, ainsi que des poursuites à l’encontre de tous les coupables».

Craintes de spoliation

La crainte de la fratrie est de voir leur père spolié au bout de ce qu’ils appellent des «manigances». Selon son fils ainé en effet, l’octogénaire est propriétaire de terrains, d’appartements et autres biens dans la région de Casablanca notamment. Pour Mohamed, leur crainte serait d’autant plus justifiée car «l’avocat qui s’occupe des biens de son père serait également le dépositaire du document de faux témoignage» devant la justice. Joint par nos soins, ledit avocat n’a pas souhaité s’exprimer. «Je n’ai pas le droit de vous donner des informations. Vous connaissez la loi marocaine», a-t-il glissé avant de mettre un terme à la communication. Nous avons également tenté en vain de joindre l’épouse du père pour avoir sa version des faits.

De passage ces derniers jours à Casablanca, Mohamed a tenté de frapper à toutes les portes pour «comprendre comment fonctionne le système», dit-il. «J’ai discuté avec des hauts responsables qui sont convaincus qu’il y a des dysfonctionnements dans cette affaire», rapporte le MRE. «Certains m’ont dit qu’autour d’eux il y a des gens malhonnêtes. Des fois lorsqu’un dossier est prêt pour la délibération, des gens viennent soutirer un ou plusieurs documents. Du coup, la décision finale qui semblait évidente, peut basculer», poursuit-il.

Son avocate, qui requiert l’anonymat, elle aussi se dit convaincu des écarts observés dans le traitement de l'affaire. «En appel, on a pu constater de nombreuses infractions graves, loin de toute logique ou règle, de nombreuses incohérences dans le dossier», déclare la juriste, confirmant les différents épisodes judiciaires dépeints par son client. L’avocate appelle à présent à l’ouverture d’une enquête, afin de déterminer les «responsabilités de tous les individus ayant contribués de près ou de loin à cacher ou à fausser la vérité». Pour l’avocate, c’est le seul moyen de «rendre justice et dignité à cette personne âgée aujourd’hui de 86 ans, malade d’Alzheimer, en la protégeant des abus et spoliation dont il est victime au quotidien, comme le réclamait et le réclame encore ses enfants résidants à l’étranger».

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Ouverture d'une enquête
Auteur : unerosedesvents
Date : le 04 mai 2016 à 19h15
Il semble évident qu'une enquête doit être ouverte
Allah isahel 3lihom et ce monsieur qui se trouve entouré de bien de mystère
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