Isamel D. a 36 ans. Il est marié et père de 3 enfants, mais cela fait plusieurs mois qu’il n’a pas pu convenablement subvenir aux besoins de sa famille. Et pour cause, il s’est vu retiré son badge d’accès à la zone de sûreté de l’aéroport de Paris Orly, où il exerce pourtant sans le moindre problème depuis huit ans.
«Monsieur, votre mentalité menace la Sureté de l’Etat»
Les ennuis commencent le 25 février 2015, lorsqu’Ismael soumet sa demande d’habilitation de badge aéroportuaire. La préfecture de Val-de-Marne répond par un refus catégorique. Motif : «La moralité ou le comportement de l'intéressé ne présente pas les garanties requises pour la sûreté de l'Etat». A noter qu’aucun élément de preuve ne corroborait cette affirmation. Ismael porte l’affaire en justice et après une enquête de la Police de l’air et des frontières (PAF), le tribunal de Versailles rejette, au mois de juin, le refus du préfet. Au bout de quelques temps, Ismael obtient alors un nouveau badge d’une validité de six mois.
Alors qu’il se croyait enfin tiré d’affaire, sa demande de renouvellement de badge émise le 22 mars dernier a de nouveau été marquée par un refus, pour le même motif que l’année dernière, et toujours sans aucune preuve. «Je travaille à l’aéroport depuis 2008 et je renouvelle mon badge deux fois par an après la réalisation d’une enquête. Ça s’est toujours bien passé et là, on refuse mon badge sur la base de rien du tout, aucun fait …», explique Ismael. Pour lui, se faire ainsi traiter, malgré un «casier judiciaire vierge» relève d’une «injustice flagrante».
«Gosse purge» dans les aéroports depuis les attentats
Le son de cloche est identique au Collectif contre l’islamophobie (CCIF) qui avait déjà aidé ce chef de famille lors de son premier refus en 2015. Ici, on estime que l’amalgame suite aux attentats de Paris est toujours à l’œuvre. «Il faut remarquer que ce nouveau refus intervient juste pendant l’Etat d’urgence. Alors qu’il y a eu enquête et son casier a été trouvé vierge», explique à Yabiladi Yasser Louati, porte-parole du CCIF. «A part sa pratique religieuse, je ne vois pas ce qu’on lui reproche», ajoute-t-il. Du côté de la préfecture, pas moyen d’obtenir des explications pour l’instant. Joint par nos soins, le préfet était en réunion.
Mais le CCIF n’est pas surpris par «l’injustice» subie par Ismaël. «Il y a une grosse purge dans les aéroports d’Orly et Roissy depuis les attentats et les employés de confession musulmane en sont les première victimes», argue M. Louati. En décembre dernier encore, un mois après les derniers attentats de Paris, deux hommes de confession musulmane employés à Orly se voyaient licenciés par leur employeur à cause de leur barbe. Leur avocat avait dénoncé une «radicalisation de l’entreprise vis-à-vis du code de travail».
Le CCIF estime le cas d’Ismaël encore plus «emblématique». D’ailleurs ils dénoncent tous un «acharnement islamophobe» de la part de l’autorité locale. «Ici, c’est le préfet même qui retire le badge. Donc même la société qui l’emploie ne peut rien faire», regrette le porte-parole. Le Collectif prévoit plusieurs actions, en justice notamment, pour aider Ismaël à retrouver ses droits.