«Je suis privé de tout titre foncier par la justice et les autorités de Taza, car j'ai refusé la corruption». C’est le message brandi il y a trois jours devant l’Ambassade du Maroc à Paris par Abdellah Chelh, un Franco-Marocain de 66 ans, rapporte la presse régionale française. Il manifestait ainsi suite à un jugement rendu il y a une dizaine de jours par le tribunal de Taza qui déclare comme bien appartenant à la collectivité, un terrain dont le sexagénaire revendique la propriété.
En main, un titre de propriété datant de 1951
A la base, le terrain appartenait à son père, atteste un titre de propriété datant de 1951. Ce dernier lui en a fait don et depuis Abdellah perpétue l’activité, mettant les terres en location. D’après lui, 4 200 oliviers, 350 figuiers et 650 autres arbres fruitiers y sont plantés. «Ils commencent à donner de très bonnes récoltes, indique le sexagénaire, soulignant qu’il y a également construit une maison de cinq pièces et creusé deux puits de 52 et 101 mètres de profondeur.
Ancien ouvrier Michelin pendant 36 ans, Abdellah y a investi toutes ses économies. Sa famille étant installée en France, il veut désormais vendre les terres pour se consacrer à autre chose. «Il n’y a personne au Maroc pour s’en occuper de près», relève le MRE dans un entretien avec Yabiladi. Et c’est justement pour cette raison qu’il entreprend les démarches de demande de titre foncier en avril 2006.
Au mois de juillet de la même année, d'après le récit du retraité, l’équipe de la conservation foncière de Taza procède au bornage. Son dossier est alors transféré à Rabat et la publication au Bulletin officiel est faite le 21 juillet 2007. «Ce qui veut normalement dire que c’est fini, il n’y a plus rien à faire puisque l’autorité a reconnu ma propriété», fait-il remarquer.
«Le khalifat m’a demandé d’emmener sa fille en France»
Mais entre-temps la relation avec les autorités de la ville de l’époque s’est détériorée. «Le caïd m’a d’abord demandé de lui verser 5 000 dirhams, ensuite le khalifat m’a demandé d’emmener sa fille en France pour qu’elle y travaille, alors que c’est interdit», assure Abdellah qui présente à l’appui le dossier de la jeune fille en question (photo, certificat de scolarité, …).
Face au refus catégorique d’Abdallah, les deux responsables de la ville auraient fait opposition à sa demande de titre foncier, selon la version du MRE. «Sous la pression du gouverneur, le conservateur a mené mon dossier au tribunal et c’est ainsi qu’ils ont tranché», déclare le sexagénaire dénonçant une «manipulation judiciaire». D’après lui, l’administration aurait réussi à obtenir le verdict en contestant le bornage de son terrain. Le retraité MRE a porté plainte par le biais de l’ambassade du Maroc à Paris et depuis, il manifeste un jour sur deux pour réclamer justice. Pour l’heure, nous avons tenté en vain de joindre la représentation diplomatique pour savoir ce qu’il en était de leur côté. Idem pour l’administration de Taza, où nous n’avons pu obtenir aucune réponse à l’heure actuelle. En revanche saisi par la presse régionale française, le Consul général de France s’est dit incompétent pour intervenir dans des questions juridiques d’ordre privé.
Aujourd’hui, toute l’administration de Taza a été renouvelée et Abdellah s’en réjouit. Mais à présent, il ne veut qu’une seule chose : récupérer son bien. «J’en ai le droit, tous les papiers le prouvent», argue-t-il, se souvenant qu’avant toute cette histoire, tous ses voisins et même les autorités de la ville n’avaient jamais contesté sa propriété. «En 2004, lorsque j’ai demandé à faire le goutte-à-goutte sur une partie des terres- parce que je n’avais pas les moyens de le faire sur toute la surface- il y a eu une réunion avec les différents responsables de la ville. Tous attestaient que le terrain m’appartenait. Mais dès que j’ai refusé les propositions du caïd et du khalifat, tout a dégénéré», raconte-t-il, soulignant qu’alors que son dossier était en justice, le gouverneur de l’époque lui avait demandé «d’accepter les propositions faites». «Ils m’ont dit plusieurs fois, en face, que si je leur donne ce qu’ils veulent, ils ne feraient aucune opposition à ma demande de titre foncier», précise ce retraité MRE qui pense désormais que la médiatisation de cette affaire pourrait «mettre le roi au courant de ma situation et faire bouger les choses».