Ahmed Zaki est arrivé en France à l’âge de 12 ans. L’homme aujourd’hui âgé de 58 ans et père de 2 enfants y a fait sa vie. Une vie jalonnée de délits qui l’empêcheront d’obtenir la nationalité française. Son dernier délit est sanctionné d’une peine de prison et d’un arrêté d’expulsion qui l’oblige à retourner dans son pays : le Maroc. C’est là que commence son combat juridique et administratif. Condamné et emprisonné pour plusieurs délits en France, le Marocain Ahmed Zaki fut expulsé du territoire en 2002, sous le régime de la double peine.
Vie de galère et traversée clandestine de la mer
«Je voulais partir pour me soigner, arrêter de gagner de l’argent sale, repartir à zéro», confie-t-il à Jeune Afrique. Ahmed Zaki qui ne parle pas un mot d’arabe, arrive, sans un sou en poche, dans un pays qu’il connait à peine. Il est d’abord hébergé par des personnes qu’il rencontre sur place avant de devoir mendier pour sa survie. «J’ai rencontré d’autres personnes expulsées comme moi, qui en ont beaucoup souffert. J’ai vu de près les gros dégâts causés par cette loi de la double peine», résume-t-il.
Ahmed Zaki vivra dans cette galère un an avant d’être recueilli par la Fondation Hassan II pour les MRE qui lui apporte de l’aide et lui donne le courage de «taper à toutes les portes, en commençant par le bas et en visant plus haut après chaque refus». Un bonheur ne venant jamais seul, l’aide de la Fondation Hassan II coïncide avec l’abolition en 2003 par le ministre français de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, de la double peine.
Un espoir de courte durée puisque les demandes de ses avocats pour l’abrogation de sa condamnation à la double peine sont restées lettres mortes. Il se tourne alors vers la presse, des associations comme le mouvement antiraciste français (Mrap) et la Ligue française des droits de l’homme (LDH) et même vers le ministre délégué chargé des Marocains résidant à l’étranger. En vain. Rien ne semble venir à bout des «3 000 km de distance» le séparant de l’Hexagone, pas même la grève de la faim qu’il entreprend.
Devant ces portes closes, Ahmed Zaki prend la route de l’immigration clandestine. Son objectif : parvenir en France clandestinement et faire entendre sa voix. En 2007, après deux mois de préparation, sans en parler à personne, il se rend en Turquie par la mer. «Le Maroc j’adore, mais c’était devenu trop difficile pour moi d’y vivre. Je voulais rejoindre la France à tout prix, c’est là que j’ai grandi, c’est là où je me sens bien, là où m’attendait ma famille», fait-il savoir.
De condamné à écrivain
Ahmed passera 10 jours en Turquie avant d’embarquer à bord d’un bateau en direction de la Grèce. Son projet de rejoindre la France à partir de la Grèce se fera lentement. «J’ai été très prudent, j’ai pris mon temps. Tout au long de cette aventure, je peux dire que j’ai toujours eu de la chance dans ma malchance». Il passe plusieurs mois en Grèce puis après des nuits de marche, la ville de Francfort. Ce n’est qu’en 2009, qu’Ahmed Zaki réussit à rallier Bourges en France dans la région Centre-Val de Loire.
Mais Ahmed n’est pas au bout de ses peines. Il reste d’abord enfermé chez lui pendant 2 mois de peur d’être arrêté. Puis, il entreprend des formalités de régularisation de sa situation. En 2011, il est assigné à résidence et une autorisation provisoire de séjour de 6 mois via la preuve de l’existence des liens familiaux en France. Un ouf de soulagement mais également une angoisse de se présenter chaque mois au commissariat.
Sa délivrance arrive un jour de juin 2015 lorsque son arrêté d’expulsion est enfin abrogé. Il obtient alors un visa long séjour valant titre de séjour. Il décide de reprendre sa vie en gommant son passé de délinquant. «Ce qui fait ma force, c’est que je ne lâche jamais rien. (…) Je ne regrette pas d’être allé au Maroc. Sinon, j’aurais continué dans la mauvaise voie», analyse-t-il. «Avec du recul, je me rends compte que c’est beau ce que j’ai fait, je suis fier de moi. Je me suis battu jusqu’au bout, dans le bon sens cette fois », ajoute-t-il.
Ahmed Zaki travaille aujourd’hui via un emploi aidé dans une mairie. Son prochain projet est d’écrire un livre sur son aventure. «J’ai fait des bêtises, je les assume et je n’en veux à personne. La page est tournée et je veux le montrer à travers ce livre». La thérapie par l’écriture est maintenant la voie de sa reconversion.