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Grand Angle

Maroc : En moins de 5 ans, 5 crises dans la majorité gouvernementale de Benkirane

La crise actuelle entre Benkirane est Boussaid au sujet des enseignants-stagiaires est le dernier épisode d’une série de conflits ouverts entre le chef du gouvernement et ses ministres ou alliés. Yabiladi revient sur les principales tensions ayant entaché le mandat de cet exécutif.

Publié
Gouvernement Benkirane II / Archive - Ph. MAP
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Le 29 novembre 2011 à Midelt, Mohammed VI recevait le secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, et le charge de former un nouveau gouvernement. Le 3 janvier 2012, il présentait au roi la liste de son équipe, composée de 31 ministres. Durant ces quatre années et trois mois d’exercice, le chef de l’exécutif ait entré plusieurs fois dans de conflits ouverts avec ses alliés. Un fait rare au Maroc, pays où les divergences entre les composantes de la majorité restent contenues.

La guerre avec Hamid Chabat

Le 23 septembre 2012, Benkirane et son parti apprennent que Hamid Chabat a remporté de justesse son duel face à Abdelouahed El Fassi. Une courte victoire mais suffisante pour chambouler la ligne politique au sein de l'Istiqlal. Depuis, le nouveau maitre de la Balance ne s'est pas privé de critiquer publiquement la gestion du gouvernement alors même que son parti est à la tête d’importants départements ministériels dont notamment celui des Finances.

Officiellement, le différend entre les deux «alliés» concernait la politique sociale. Chabat s’opposait à la décompensation et son corolaire de hausse des prix. En janvier 2013, l’Istiqlal transmettait au chef de gouvernement un cahier réunissant les mesures économiques proposées par le PI pour la collecte d’environ 40 milliards de dh sans passer par de nouvelles augmentations des prix. Le 11 mai 2013, le divorce est prononcé. Le conseil national du parti «autorise» Chabat à se retirer du gouvernement.

Benkirane contre Belmokhtar

Le retrait de l’Istiqlal avait contraint Benkirane à accepter une «alliance» avec son "ennemi", Salaheddine Mezouar, le président du RNI. Le 10 octobre 2013, il accorde huit grands ministères au RNI et huit autres aux technocrates. Rachid Belmokhtar figuraient sur la liste des membres du gouvernement. Une présence qui est la conséquence du réquisitoire du roi Mohammed VI, dressé à l’occasion de son discours du 20 août 2013 contre la mauvaise qualité de l'enseignement au Maroc.

Baignant dans deux cultures complétement différentes, le clash entre les deux hommes était inéluctable. Le 18 février 2014, le nouveau ministre de l’Education nationale signait avec son homologue français un accord de coopération prévoyant la généralisation du bac français dans l’enseignement public. Benkirane n’a pas exprimé son opposition à l’initiative de Belmokhtar mais le groupe des députés du PJD a décidé, dans la foulée, de former une commission avec comme mission d’examiner si ledit accord est conforme avec la constitution du 1er juillet 2011, notamment dans son article 5.

Mais c’est surtout la décision de Belmokhtar, prise le 10 octobre 2015, d’enseigner des matières scientifiques en français qui a été la goute de trop. Profitant de son passage devant les membres de la Chambre des conseillers, le 2 décembre de la même année, Benkirane a tiré à boulets rouges sur son ministre. Une attaque sans ménagement et de surcroît diffusée en direct par la chaîne Al Oula, en présence de Belmokhtar qui s'est contenté de sourire. Ce jour-là, le chef du gouvernement a remporté une victoire médiatique sur son ministre, mais de courte durée. Le 6 février 2016 à Laâyoune, le ministre de l’Education revient en force après que le conseil des ministres, présidé par le roi Mohammed VI, ait approuvé sa vision 2015-2030 qui enterre définitivement l’arabisation des matières scientifiques dans l’école marocaine.

Différend avec Akhannouch

Une relation tendue qui contrastait avec la relation de Abdelilah Benkirane et son ministre de l’Agriculture. Le chef de gouvernement ne tarissait pas d’éloges sur ce proche du Palais. Une lune de miel qui a duré plus de trois ans avant une brutale rupture, survenue en octobre 2015. En cause, la tutelle sur les 55 milliards de dh destinés au développement du monde rural, confiée à Aziz Akhannouch. Sa désignation figurait, d’ailleurs, sur l’article 30 du projet de loi de finance 2016, adopté quelques jours auparavant en conseil de gouvernement. Benkirane a crié à une conspiration orchestrée par Akhannouch, avec la participation du ministre des Finances, Mohamed Boussaid. Finalement, Benkirane tourna vite la page et ordonna à ses proches de cesser leurs attaques contre son ministre. 

Mezouar dans le rôle de l’opposant

L’entente de circonstance entre Mezouar et Benkirane a duré jusqu'au scrutin du 4 septembre 2015. Si le chef du gouvernement a soigneusement évité toute escalade avec son ministre des Affaires étrangères, il a laissé les cadres de son parti accuser les RNIstes de «trahir» le pacte de la majorité, et ce en nouant des alliances avec le PAM à l’occasion de l’élection des présidents de régions et de mairies.

Le 13 février 2016, le président de la Colombe réagi aux accusations des islamistes de la Lampe. Laissant de côté le langage diplomatique, Mezouar a fustigé la volonté du PJD et de son secrétaire général de dicter leurs choix au RNI à l’occasion de la formation des bureaux des conseils communaux et régionaux. Le chef de la Colombe a ainsi défendu ses alliances avec le PAM. «Nous étions surpris, à l’instar des politiques, par un discours violent et immoral et non-civilisé qui nous cible et (…) qui nous présente en tant que traitres», a–t-il déclaré. Cette fois, Benkirane a compris le message et ordonné aux PJDistes de ne pas riposter.

Boussaid, la nouvelle cible

Dimanche 3 avril, le chef de l’exécutif tance publiquement Mohamed Boussaid, via un communiqué. Il l'accuse d’avoir agi «unilatéralement» sur le dossier des enseignants-stagiaires. Une crise encore fraîche, appelée à connaitre de nouveaux rebondissements dans les prochaines heures. Le silence du RNI serait-il l’expression de cette volonté de ne pas aggraver la nouvelle crise gouvernementale ? D’autant que ce nouveau acte de profonde divergence entre Benkirane et son ministre des Finances brise l’entente tacite de reporter les disputes politiques jusqu’à l’adoption, par le Conseil de sécurité, d’une nouvelle résolution sur la question du Sahara.

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