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Grand Angle

Paul Bowles, les sonorités marocaines chevillées au corps

Pendant 52 ans, le compositeur amércain Paul Bowles s'est expatrié au Maroc, à Tanger plus précisemment, où il a vécu jusqu'à la fin de sa vie. Mu par une forte passion pour la musique traditionnelle marocaine, il a parcouru pendant 5 semaines, les régions du Maroc pour aller à la rencontre de sa musique, de ses musiciens, des instruments et de ses sonorités. Le compositeur rentre de ce périple musical avec plus de 60 heures d'enregistrements de musiques traditionnelles berbères, arabes, andalouses et juives. Archivés par la bibliothèque du Congrès, ces enregistrements vont étre réédités par un studio de musique. Portrait d'un éternel amoureux du Maroc et de sa musique.  

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Paul Bowles/ Crédit Photo: Welt.de
Temps de lecture: 3'

Nous sommes en 1929, à 19 ans, Paul Frederick Bowles, laisse tout derrière lui, ses études et sa famille qui vit à New-York, pour aller vivre sa passion de la musique. Il se rend à Paris avec son ami et professeur de musique Aaron Copland où l’influente écrivaine américaine installée en France leur conseille de visiter Tanger.

Paul et son ami Aaron se rendirent pour la première fois dans la capitale du Détroit en 1931 où ils louent une maison. Paul y écrira sa première partition de musique intitulée «Tamanar», du nom d'un village niché dans les montagnes de l’Atlas. Les deux amis reviendront l’année suivante durant laquelle, ils découvrent le son des tambours joués lors des cérémonies de mariage. Les réactions face à ces sonorités nouvelles sont différentes : si Aaron est intrigué, Paul lui s’extasie devant la musicalité captivante de ces sonorités nouvelles.  En quittant Tanger en cette année 1932, Paul, volonté de revenir dans l’âme, est déjà tombé amoureux du Maroc et de sa musique. Il enregistre 78 secondes de cette musique qu’il envoie aussitôt au compositeur austro-hongrois, Béla Bartók, comme le raconte un site américain.

Le compositeur américain reviendra s’installer  définitivement à Tanger quelques années plus tard en 1947 après s’être marié à New-York avec l’écrivaine Jane Auer et avoir participé à la vie littéraire de la ville. Paul s’est reconverti dans l’écriture et préparait déjà son roman «Un thé au Sahara» racontant la vie d’un expatrié américain au Maroc. Sa femme le rejoindra 2 ans plus tard en 1949. Le couple devint très vite les animateurs de la vie littéraire de cette ville pleine d'énergie de la fin des années 40 et y attirent des grands noms comme Truman Capote, Tennessee Williams ou encore Gore Vidal. Puis dans les années 50, les Bowles reçoivent des auteurs de la «Génération Beat» comme  Allen Ginsberg et William S. Burroughs.

Parallèlement à cette passion littéraire, Paul Bowles compose de la musique pour des pièces représentées à l’Ecole américaine de Tanger. L’écrivain-compositeur entreprend plusieurs voyages à l’intérieur du Maroc notamment dans le sud qui sont autant d’occasions pour lui d’aller au contact de la population marocaine de l’époque dont il peut écouter la musique mais aussi commencer la rédaction de livres autobiographiques ou de récits romanesques.

52 ans de vie au Maroc pour la passion de la musique traditionnelle marocaine

Après avoir obtenu une subvention de la Fondation Rockfeller, Paul Bowles visite le Maroc profond à bord d’une Volkswagen Beetle prêtée par un ami. Il entreprend de capter et d’enregistrer un maximum de sonorités musicales traditionnelles des tribus marocaines. Matériel d’enregistrement en main et passion pour la musique marocaine en bandoulière, Paul Bowles arpente les régions du Maroc 5 semaines durant pour en ressortir avec 60 heures d’enregistrements d’une étonnante variété de musiques berbère, arabe, andalouse et juive. Au contact des Maalems et des ensembles lyriques traditionnels, Paul Bowles se délecte de la musique marocaine dont il tente de déceler les influences et découvre les instruments comme le guembri, le kamenja. Pendant des années, ces enregistrements n’étaient connus que des ethnomusicologues puisque 2 albums tirés à une centaine d’exemplaires ont été commercialisés en 1972, le reste étant archivé par la Bibliothèque du Congrès américain à Washington.

A la mort de sa femme en 1973 à Malaga, Paul Bowles se fixe à son appartement de Tanger où il continue d’écouter des extraits de ses enregistrements et à écrire ses romans. En 1995, il se rend à New-York où un festival musical est consacré à l’ensemble de son œuvre au Lincoln Center. L’homme est décédé 3 ans après son retour de New-York, en novembre 1998, à l’hôpital italien de Tanger, des suites d’une crise cardiaque. Malgré les 52 ans de sa vie qu’il a consacré au Maroc et à l’amour qu’il vouait à sa musique traditionnelle, Paul Bowles est enterré à Lakemont à New-York près de ses parents.

Music of Morocco

Les enregistrements de la musique marocaine par Paul Bowles ne sont cependant pas tombés dans l’oubli. Le label de musique « Dust to Digital » a décidé de sortir en avril, un double album de ces enregistrements sous le nom de « Music of Morocco ». Les acquéreurs de ces albums les trouveront emballés dans une boîte de cigares sérigraphiée de motifs marocains. La boîte est accompagnée d’un livre de 120 pages de notes dont l’introduction est rédigée par le chanteur du groupe Sonic Youth, Lee Ranaldo. Le livre contient les annotations de Paul Bowles comme des marques indélébiles de sa passion pour la musique marocaine.

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