Peur, inquiétude, voilà des mots désormais communs au vocabulaire des habitants du littoral de Mohammedia. «[Et] le degré d’inquiétude est davantage monté depuis les dernières intempéries», déclare à Yabiladi Nadia Hmaity, présidente de l’Association des résidents de la Siesta, une organisation de lutte pour la préservation des dernières dunes de sable de la Siesta de Mohammedia.
La loi est pourtant claire
L’organisation dénonce la destruction des dunes de sables de la plage au profit d’un projet immobilier autorisé par la wilaya en septembre 2015, alors que la zone était jusqu’à lors déclarée non constructible. Le lancement des travaux le 18 décembre 2015, selon les précisions de l’association, a consisté au démarrage du lotissement qui a conduit entre autres à la destruction de la végétation naturelle protectrice des dunes de sables. «C’est après les dernières intempéries que nous avons constaté qu’une grande partie des dunes avait cédé», explique Mme Hmaity. «Or il y a habituellement de fortes marées dans la zone. Le danger est réel pour nous habitants», alerte-t-elle, soulignant qu’un riverain a d’ailleurs perdu une partie de sa clôture externe suite aux dernières pluies.
La colère des habitants est d’autant plus forte que la nouvelle loi 81-12 relative au littoral met un point d’honneur à la protection du littoral marocain, tributaire ces dernières années d'une urbanisation galopante. Ce problème était d’ailleurs au cœur de la célébration nationale de la journée mondiale des zones humides le 23 février dernier, où plusieurs experts ont dénoncé la pression urbaine exercée sur le littoral au Maroc en général et à Mohammedia en particulier. Et les habitants sont encore plus inquiets, car le travail d’information mené par l’association non seulement éclaire sur les risques encourus, mais entrainerait également la dépréciation de la valeur de leurs biens. «A chaque mouvement de mer, le sable est emporté. La plage se réduit chaque année de 1,5 m. Du coup, nous nous rapprochons de la mer», explique Mme Hmaity.
Une seconde étude en cours, la population toujours pas rassurée pour autant
Après dénonciation de la situation, l’association a appris que le promoteur prévoyait la construction d’un mûr de soutènement pour protéger les habitants. Mais selon les experts, il serait «impossible» d’obtenir un mur qui puisse faire le travail protecteur des dunes. L’affaire portée auprès du gouverneur, l’association a été entendue et ce dernier a exigé une nouvelle étude relative à la construction du mûr de soutènement, ainsi que l’interruption du chantier. Du côté du promoteur, pas moyen d’avoir plus d’informations pour l’instant. Nous avons tenté en vain d’obtenir un entretien avec la direction chargée de la communication.
En revanche, l’association juge positive la réaction du gouverneur. «S’il réclame une nouvelle étude, cela veut dire qu’il reconnait que la première n’était pas tout à fait correcte», estime la présidente, soulignant toutefois que sans une étude complète d'impact écologique du projet et sans une décision radicale de la part des autorités, les habitants n’en auront définitivement pas le cœur net. D’autant plus qu’avec les perturbations climatiques actuelles, certains riverains peuvent, du jour au lendemain, perdre leurs maisons de plus de 30 ans.
L'application de la loi, un impératif selon les autres écologistes du Royaume
Actuellement, l’Association des résidents de la Siesta à Mohammedia reçoit de plus en plus de soutien d’autres organisations et écologistes à travers le Royaume. Après une descente sur le terrain il y a quelques jours, Mohamed Benata - entre autres - commente : «La commission provinciale a accordé l’autorisation de construire sur la base d’un terrain privé, alors que selon la loi, les dunes de sables doivent être préservées». «Bâtir un lotissement sur des dunes maritimes, c’est aberrant. Dans de telles conditions, tous les habitants du quartier La Siesta devront évacuer d’ici cinq ans», fait-il remarquer avant d’ajouter : «Au Maroc, c’est toujours le même problème qui revient. Nous disposons de très belles lois, mais les autorités ne les respectent pas».