Une fois n’est pas coutume, c’est un islamiste qui se prononce pour une révision des règles de l’héritage. A la surprise générale, la proposition vient du très conservateur Abouzaid El Mokrie El Idrissi. Elle a été faite à l’occasion d’une conférence à Salé, indique un média local.
«Les devoirs de tutelle et la "Nafaqa" (support financier) imposés à l’homme sur la femme ne sont plus comme ils étaient lors de la révélation du Coran», a-t-il noté. Il poursuit en expliquant qu’auparavant les sociétés musulmanes étaient connues pour leur solidarité, mais aujourd’hui la femme assume les mêmes fonctions que l’homme au sein de la cellule familiale. Dans ce contexte «il est injuste que le système réglementant l’héritage ne soit pas changé», conclut le député du PJD. El Idrissi appelle ainsi à une révision basée sur le principe de l’ «Ijtihad» (Effort de réflexion) à partir des textes religieux (Coran et sunna).
Une position modérée
C’est la voie idoine pour éviter qu’une «vision laïque prônant l’annulation en bloc de tous les principes de la chariaa» ne soit imposée, a-t-il mis en garde. L’avertissement semble destiné particulièrement à son camp. En effet, celui-ci rejette catégoriquement toute modification des règles de la distribution de l’héritage, issues du Coran. La levée de boucliers coordonnée entre le PJD et sa matrice le MUR contre les propositions de réforme de la Moudawana, faites par le CNDH au gouvernement le 20 octobre 2015, en est un parfait exemple.
Le CNDH avait proposé d’«amender le Code de la famille de manière à accorder aux femmes les mêmes droits dans la formation du mariage, dans sa dissolution et dans les relations avec les enfants et en matière successorale, en conformité avec l’article 19 de la Constitution et l’article 16 de la CEDEF (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes)». Neuf jours plus tard, Abdelilah Benkirane répliquait avec véhémence. Invité sur la chaîne Medi1 TV, le secrétaire général de la Lampe avait accusé le président du CNDH de «jeter de l’huile sur le feu». Il lui avait ensuite enjoint de présenter des «excuses» au peuple marocain.
La position modérée d’Abouzaid El Idrissi est une avancée, d’autant qu’elle émane d’un représentant de la ligne radicale au sein de la Lampe et du MUR. Le député du PJD avait même été récemment déprogrammé de deux conférences en France et en Belgique justement à cause de ses idées jugées trop conservatrices.