Le Maroc n'a jamais eu autant de diplomates en chef : Salaheddine Mezouar, ministre des Affaires étrangères, Mbarka Bouaida et Nasser Bourita, ministres délégués, sans oublier le back-office au sein du Palais royal composé de Taïeb Fassi-Fihri et Youssef Lamrani. Pile l'effectif nécessaire pour former une équipe de basket, ce qui devrait ravir le capitaine Mezouar, ancien international.
Pourtant, depuis le remplacement à la volée de Saâdeddine El Othmani, un certain 10 octobre 2013, on a l'impression de vivre un long temps mort pour la diplomatie marocaine. Les couacs se sont succédés avec une vitesse déconcertante : l'épisode du drapeau arraché du consulat algérien à Casablanca (2013), la crise diplomatique avec Paris qui a duré un an (2014), la brusque montée de fièvre avec l'Egypte (2015), les tensions avec le Nigeria (2015), la mini-crise avec la Suède (2015), la douche froide avec l'UE (2015), le jeu de poker avec les Pays-Bas (2016), la crise avec Ban Ki-moon (2016)...
La défense plutôt que l’attaque
Presque toutes ces tensions avaient pour dénominateur commun le dossier du Sahara. S'il demeure encore un ciment sur le plan interne, il est notre talon d'Achille à l'international. Faute d'avoir une diplomatie offensive ces 2 dernières années, nous avons dû gérer la défense et ne marquer des points qu'en contre-attaque.
Le pouvoir de décision semble être concentré entre les mains de 2 ou 3 personnes faisant fi des compétences de certains de nos diplomates. La centralisation plutôt qu’un fonctionnement réticulaire, la concentration au détriment de la réactivité. Résultat : des oublis, des ratés, des retards qui se succèdent obligeant à des réactions en catastrophe au plus haut niveau. Pour rectifier le tir dans l’urgence, les conditions de la négociation sont souvent moins favorables, nous obligeant à faire des concessions ou à perdre une partie de notre liberté d’action.
Pourtant, la conjoncture «offre» au Maroc une fenêtre de tir inespérée. Le contexte régional marqué par la déstabilisation de plusieurs pays suite au Printemps arabe, la menace terroriste qui devient omniprésente avec des cellules djihadistes disséminées dans des dizaines de pays, et la vague migratoire qui inquiétait seulement l’Europe méridionale il y a quelques mois, tétanise aujourd’hui l’ensemble des pays d’Europe.
Le Maroc forcé à abattre ses cartes
Et le Maroc a intelligemment su se placer en partenaire incontournable sur ces questions : signatures d’accords de réadmission de migrants avec certains pays d’Europe, participation militaire dans la guerre du Yémen, en Irak et en Syrie, et enfin une précieuse collaboration sécuritaire pour contenir la menace terroriste.
Le Maroc a même su se montrer proactif pour accompagner ce nouvel agenda international. Sur les plans religieux et de la prévention contre la radicalisation, on peut citer l’action du ministère des Habous proposant son «imam academy» aux pays d’Afrique subsaharienne mais aussi d’Europe. D’un point de vue sécuritaire, il y a la mise en place du BCIJ qui après avoir fait la preuve de son efficacité au Maroc, a aidé les services de renseignement de plusieurs pays européens, et intervient même en Côte d’Ivoire. Enfin, le Maroc a su faire preuve d’une maturité inédite dans sa gestion migratoire en proposant une opération de régularisation de migrants en situation irrégulière.
La diplomatie marocaine, quant à elle, laisse les dossiers sensibles s’accumuler, les situations se compliquer, ne réagissant que trop souvent à posteriori quand la crise a déjà éclaté. Et ne parlons pas des grosses failles dans la sécurisation de nos documents confidentiels qui ont été révélés par un certain «Chris Coleman». On peut trouver sympa d’avoir une équipe de basket à la tête de notre diplomatie, mais le carton rouge pour sanctionner les dysfonctionnements, c’est pour quand ?