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Grand Angle

Maroc : Casa Finance City est-elle un paradis fiscal ?

La place financière de Casablanca Finance City (CFC) a réussi à réunir 101 entreprises en 4 ans grâce aux nombreux avantages offerts. Quand l’impôt sur les sociétés y est 3 fois inférieur au taux national, peut-on parler de paradis fiscal ?

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/DR
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Le CFC accueille désormais OCP Africa, la toute nouvelle filiale de l’OCP. Elle devient ainsi la 101e société à joindre la place financière de Casablanca où elle bénéficiera d’un ensemble d’avantages notamment fiscaux. Les taux d’imposition sur les entreprises y sont plus de trois fois inférieurs à leur taux normaux.

Alors que l’Impôt sur les Sociétés (IS) est fixé à 30% au Maroc, les sociétés de services financiers labellisées CFC bénéficient ainsi au titre de leur chiffre d’affaires à l’exportation et des plus-value mobilière nettes de sources étrangères de l’exonération totale de l’IS pendant les 5 premières années puis d’un taux d’imposition réduit de 8,75%. Les sièges de groupes internationaux bénéficient eux d’un impôt sur les sociétés réduit à 10% appliqué sur 5% de ses charges de fonctionnement ou de son résultat fiscal.

«Un paradis fiscal, c’est très différent», estime cependant Najwa El Iraki responsable du développement commercial pour le CFC. «Nous sommes loin d’une place comme Dubaï où tout est à zéro. Nous n’avons pas de taux nuls. Les indicateurs fiscaux ne sont pas décisifs, le doing business fait la différence», ajoute-t-elle.

Les organismes et institutions sont nombreux à lister les pays et places qu’ils considèrent comme des paradis fiscaux. Le Maroc a été classé en 2013 parmi les pays à haut risque et les moins coopératifs en matière de lutte contre le blanchiment d’argent par le Groupe d’action financière (GAFI) institué par le G7 en 1989, avant d’en être presqu’immédiatement retiré en octobre 2013, après une visite sur place des représentants du GAFI. Depuis, le Maroc ne figure sur aucune des cartes nombreuses et variées recensant les paradis fiscaux. Il est absent de la liste pourtant longue du Financial Secrecy Index établi par l’ONG Tax Justice Network dans laquelle apparaît Dubaï mais aussi la City de Londres. Il n’est pas non plus dans la liste des paradis fiscaux non-coopératifs de l’OCDE.

Le rapport d’examen par les pairs du cadre juridique et règlementaire du Maroc rendu public en 2015, par le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, encadré par l’OCDE ne fait même pas mention du CFC alors qu’il rappelle le statut fiscal privilégié des zones franches comme celle de Tanger. «Le Maroc a un important réseau de mécanisme d’échanges de renseignements, conclus sous la forme de conventions bilatérales et multilatérales. En effet, le Maroc est signataire de la Convention conjointe OCDE/Conseil de l’Europe concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscal», indique le rapport. Cette convention, parmi une cinquantaine d’autres, n’aurait toutefois pas encore été ratifiée, bien qu’elle ait été signée en 2013.

Une question de transparence

Au-delà du niveau d’imposition, la transparence est une composante essentielle des paradis fiscaux. Le Liechtenstein est, par exemple, considéré comme un paradis fiscal par l’OCDE avec un taux d’IS de 12,5%. En juin 2010, au moment de la publication du World Best Taxe Heavens par le magazine Forbes, l’un de ses contributeurs, l’économiste Richard Murphy tente ainsi de définir ce qu’est un paradis fiscal. «Les juridictions secrètes crééent aussi délibérément, légalement un voile de secret qui masque les identités de ceux qui font usage de ce système de régulation. C’est important. Même si les gens qui utilisent les juridictions secrètes prétendent que leurs activités sont parfaitement légales, il semble qu’ils ne veulent pas que les gens les découvrent», écrit-il. Dans notre cas, le CFC ne tient pas à jour de liste exhaustive des entreprises labellisées accessibles au grand public, mais dévoile cependant avec fierté le nom de certaines d’entre elles dont les activités sont bien connues.

«A moins […] que la régulation soit intentionnellement créée pour le bénéfice et l’utilisation de ceux qui ne sont pas résidents, on ne peut réellement parler de paradis fiscal. En effet, une juridiction secrète créée une régulation qui est définit pour porter atteinte à la législation ou la régulation d’une autre juridiction», écrit Richard Murphy. Sur ce point, le CFC offre une position atypique : ses avantages fiscaux ne sont pas dévolus aux étrangers non-résidents et s’appliquent également aux entreprises nationales. Cependant, ils ne portent que sur leurs activités réalisées à l’étranger.

Casablanca Finance City fait-elle concurrence à d’autres pays ou d’autres places pour renforcer sa position du hub en Afrique ? «Nous constituons la seule place financière d’Afrique de l’Ouest et du Nord, hors Egypte qui est plus rattaché au Moyen Orient», insiste Najwa El Iraki. «Au Sud, il y a clairement Johannesburg ; à l’Est, Nairobi. Avec Dubaï, nous sommes plus complémentaires qu’en concurrence. Preuve en est qu’AIG a son siège à Dubaï et son siège africain au CFC », conclu-t-elle.

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