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Grand Angle

Travail domestique des mineures : La société civile appelle la majorité parlementaire à faire évoluer le Maroc

Alors que la majorité parlementaire est sur le point de voter le projet de loi relatif aux conditions d’emploi des travailleurs domestiques qui maintient à 16 ans l’âge minimum, le Collectif pour l’éradication de l’exploitation des filles mineures dans le travail domestique monte au créneau. Dans une lettre ouverte, le groupe appelle la majorité parlementaire à faire évoluer la société marocaine.

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«60 années après l’indépendance de notre pays et 22 ans après la ratification de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, votre majorité se propose de légaliser l’exploitation des mineures dans le travail domestique», dénonce le Collectif «pour l’éradication de l’exploitation des filles mineures dans le travail domestique» dans une lettre ouverte adressée aux chefs des partis de la majorité parlementaire, parvenue à notre rédaction.

Risque de légalisation d'une mesure hors-la-loi

Cette réaction fait suite au projet de Loi 19.12 sur «Les conditions d'emploi et de travail des employé(e)s domestiques» approuvé par le gouvernement en mars 2013 et qui sera voté dans les prochains jours par la Commission des Secteurs Sociaux de la Chambre des Représentants. La majorité parlementaire a présenté des amendements tout en maintenant à 16 ans l’âge minimum d’un employé domestique. Parmi les mesures prévues, le texte exige la signature d’un contrat de travail avec la clause d’«une durée de deux ans minimum de formation et de qualification» au profit de l’employé de maison ou encore le règlement par l’employeur des frais d’un examen médical semestriel obligatoire pour les employés âgés de 16 à 17 ans.

Le Collectif alerte les chefs des partis de la majorité sur le fait que «ce texte risque de légaliser» l’exploitation des domestiques mineurs. «Si hier les gens hésitaient à employer une fille mineure, ils le feront désormais sans état d’âme, parce que la loi l’autorise», explique à Yabiladi le porte-parole du collectif, Omar El Kindi, dénonçant également un projet de loi non conforme à la Constitution.

Aucune prise de position politique courageuse

L’organisation regrette également qu’en dépit de la non-adhésion de toute la majorité à ce texte, aucun responsable ne prenne courageusement position. «Quand nous voyons les responsables individuellement, chacun d’eux dit qu’il est contre l’emploi des mineurs et que ce sont les autres qui veulent maintenir le texte. On se retrouve devant des responsables qui ne prennent pas leurs responsabilités et qui n’ont aucun argument», explique M. Kindi.

Le Collectif assure avoir remis en main propre samedi 30 janvier au Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, le document de son plaidoyer. «Pour moi, c’était important pour qu’on ne dise pas que le Chef du gouvernement n’était pas au courant, comme ça a souvent été le cas», indique le porte-parole.

Rappelant que l’opposition du Conseil national des droits de l’homme (CNDH) et celle du Conseil économique social et environnemental (CESE) à l’emploi des domestiques mineures, le Collectif souligne que le Comité des Droits de l’Enfant de l’ONU recommande d’interdire le travail domestique aux moins de 18 ans, car considéré comme «travail dangereux».

Devant l’orientation gouvernemental, les ONG ne cessent d’exprimer leur désaccord, la semaine dernière encore la président de l’INSAF ( association prévention de l'abandon des enfants nés hors mariage et à la lutte contre l'exploitation des filles mineures dans le travail domestique) Bouchra Riati n’avait pas mâché ses mots : «Nous dénonçons les amendements qui sont censés être des mesures d’accompagnement, mais qui n’en sont pas, parce que pas applicables», a-t-elle déclaré alors qu’elle était invité de l’émission Les Experts sur Atlantic Radio.

Le Maroc doit évoluer

Selon Omar El Kindi, la revendication du Collectif «pour l’éradication de l’exploitation des filles mineures dans le travail domestique» date de plus de 10 ans et il entend poursuivre le combat jusqu’au bout. Pour le groupe, l’idéal serait d’avoir une loi de protection de l’enfant dans toutes ses conditions. Mais pour l’instant, il en appelle «au moins» à une loi assortie du flagrant délit qui pénalise l’exploitation. «Le but, c’est que des perquisitions puissent être réalisées dans les maisons afin de sortir les mineures exploitées», explique le porte-parole.

Pour les filles en déjà en situation d’exploitation, le Collectif demande une période probatoire qui permet de sortir ces mineures des maisons de leurs employeurs et d’accompagner leur réinsertion sociale (école, vie dans un cadre familiale adéquat...).

Le Collectif en appelle au «sens de responsabilité» des chefs des partis de la majorité parlementaire «envers les enfants de notre pays pour donner avec ce texte, si important et utile pour organiser le travail domestique des adultes, un signal fort de votre volonté de contribuer à la préservation des droits de l’enfant». Ainsi, ils appellent à «un texte qui fait avancer notre société au lieu de consacrer une pratique d’un autre âge».

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