Ces derniers mois ont été ceux des prévisions de croissance du PIB en 2016 au Maroc. Et si certaines institutions étaient encore optimistes après la brillante campagne agricole 2015, le début de la nouvelle campagne a plongé plus d’un dans le pessimisme. Ainsi dès fin décembre 2015, Bank Al Maghrib revoyait sa note en ramenant à 2,1% son pronostic de croissance.
La Banque mondiale annonçait le 7 janvier une croissance de 2,7% pour le Maroc. Cette semaine, le HCP a également revu ses estimations, ramenant sa prévision à 1,3%. Ce taux s’aligne à celui du Centre marocain de conjoncture (CMC) qui est passé à 1,2% il y a deux semaines environ. Ce sont les prévisions les plus basses et si elles se confirment, le taux de croissance serait le plus faible depuis 2000.
Le Haut-commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi Alami, a justifié son pronostic par le repli de l’activité agricole à 12,7% dû à la faible pluviométrie, à l’image des années de sécheresse. Et à cela il faut rajouter la faible contribution de la valeur ajoutée non agricole.
Dépendance de la pluviométrie, inexistence d'une politique de stimulation de la demande
Cett approche est jugée «très réaliste» par les économistes Najib Akesbi et Mohamed Chiguer. Selon eux, le constat peut être fait «par n’importe quel citoyen marocain». «Presque tout le monde s’accorde pour dire que 2016 est une année de sécheresse qui se dirige parmi les plus fortes qu’ait connues le royaume. Si on avait une politique économique volontariste et contre cyclique qui s’applique à stimuler la demande, peut-être pourrait-on être optimiste», explique M. Akesbi, soulignant que la dépendance de l’économie vis-à-vis des céréales, et donc de la pluviométrie, la rend fragile.
Et Mohamed Chiguer abonde dans le même sens. «La croissance au Maroc c’est de la métaphysique. Ce n’est pas encore une question politique et économique pour simple raison que nous ne sommes pas encore un pays industrialisé», explique-t-il.
Pourtant l’automobile et l’aéronautique sont les métiers mondiaux du Maroc les plus en vue de l’industrie nationale ces dernières années. Et leur croissance se confirme année après année, permettant ainsi d’améliorer le niveau de compétitivité des exportations marocaines. Dans une étude publiée en mars 2015, le ministère de l’Economie et des Finances estimait d’ailleurs que l’automobile marocaine s’inscrit «vers un meilleur positionnement dans la chaîne de valeur mondiale». Et l’arrivée prochaine de Peugeot est considérée comme un nouveau catalyseur pour l’industrie locale.
Pas de profit substantiel des métiers mondiaux du Maroc
Cependant, le HCP estime que l’économie marocaine ne tire pas encore le plein bénéfice de ces industries (automobile et aéronautique), car elles «ne parviennent pas à créer un effet d’entrainement sur l’appareil productif et ainsi relever substantiellement la valeur ajouté non agricole».
Pour les économistes, il n’y a même pas lieu de parler d’une compétitivité marocaine sur le marché de l’automobile. «C’est Renault qui est compétitif. Il ne faut pas cacher la réalité», argue Mohamed Chiguer, soulignant que la Chine, l’Inde, le Brésil, ont chacun leur voiture. «Où est la voiture du Maroc ?», demande-t-il, estimant que le royaume devrait lui aussi «exiger le transfert de compétences» pour pouvoir mieux profiter de l’implantation des firmes internationales dans des secteurs aussi porteurs.
Mais à ce niveau, Najib Akesbi propose plus de réalisme. «Le Maroc ne peut pas imposer quoi que ce soit, car c’est une question de rapport de force», juge-t-il. En revanche, il est effectivement d’avis que «nos ingénieurs ne sont que des exécutants». «Si ces multinationales décident de relocaliser leur production, j’espère que ce ne sera pas le cas, le secteur va se retrouver à la case départ».
Pour l’heure, le gouvernement, qui a tablé sur une croissance de 3% en 2016, n’a pas encore revu ses prévisions. Mais l’exercice semble incontournable en raison de la situation actuelle. Pour les économistes, l’Exécutif ne devrait plus «se focaliser uniquement sur la question des équilibres budgétaires», mais y associer «la maîtrise des ressorts de la croissance» pour aller de l’avant et sortir de la dépendance pluviométrique.