Alors que la World Hijab Day –dite la Journée internationale du Hijab- célébrée le 1er février prochain se prépare en grande pompe dans certaines régions des Etats-Unis, les musulmanes de Lyon ne pourront pas tenir leur rassemblement. La préfecture l’a tout récemment interdit. «On me l’a notifié par téléphone ce matin. Depuis j’attends de recevoir l’arrêté», indique à Yabiladi Naella A., élève professeur, géographe et youtubeuse d’origine marocaine. Avec son amie Hajer Z., d’origine algérienne, elles sont les organisatrices de cet événement dont la première édition a eu lieu l’année dernière.
«Risque de mouvement de foules dangereux»
Pourtant, elles avaient reçu une autorisation de la même préfecture. Naella a déposé le dossier de déclaration du rassemblement lundi 25 janvier. Le lendemain, elle a reçu un récépissé faisant mention l’autorisation de la préfecture. «Je vous demande de veiller, en tant qu’organisateurs, à faire respecter l’ordre public, la tranquillité publique et la liberté d’aller et venir des personnes», conclu le préfet avant de signer le document dont Yabiladi détient copie.
Entre temps, Naella a été contactée par le commissaire. «On avait déjà sympathisé l’année dernière. Il a même rappelé cette expérience positive et m’a encouragé», déclare la jeune femme, rapportant que ledit commissaire avait estimé qu’ «aucun trouble à l’ordre public ne devrait émaner de ce rassemblement».
Contre toute attente, la jeune femme reçoit un coup de fil de la préfecture, ce jeudi matin à 9h50. «La personne s’est présentée en tant qu’adjoint au préfet et m’a dit que le rassemblement ne pouvait avoir lieu, car "risquant d’engendrer des mouvements de foule dangereux" et qu’un arrêté d’interdiction a été émis dans ce sens», explique-t-elle.
Quelques heures plus tard, Naella adresse un email officiel à la personne en charge de ce type dossier à la préfecture, lui demandant de lui communiquer un arrêté par écrit. Vers le milieu de l’après-midi, la réponse lui parvient : «un arrêté vous sera notifié par les services de police».
D’après les informations recueillies par la jeune femme auprès d’associations qui devait prendre part au rassemblement, c’est à son domicile que la police lui rendrait l’arrêté. « Je suis bloquée à la maison depuis le matin, et personne n’est passé jusqu’à présent», confie-t-elle aux environs de 16h45 (GMT+1) cet après-midi.
Déception
Avec sa collaboratrice et toute l’équipe de World Hijab France, Naella avait organisé l’événement au détail près. «La déception est à son comble», dit-elle. D’autant plus que la première édition, l’année dernière, a été un succès. D’après les organisatrices, 80 femmes avaient accepté de tenter l’expérience du hijab, le temps d’une photo et 100 personnes s’étaient ouvertes à la discussion.
«Le plus énervant c’est d’être considéré comme un citoyen de second rang. Il y a un véritable deux poids deux mesures, estime la jeune femme. Le même jour, il y a une manifestation contre l’état d’urgence, ainsi qu’une manifestation des Kurdes, mais on court-circuite un rassemblement de filles dont tout le monde connait la portée pacifique».
La déception est toute aussi profonde parmi les bénévoles. Nargesse Mouqawama n’a pas participé à la première édition, mais avait franchement été séduite par le concept et surtout le fait qu’un bon nombre de Lyonnais avaient bien accueilli l’événement. Elle s’était engagée pour cette année. «J’avais déjà sélectionné des foulards et préparé les axes de mon speech», confie-t-elle. «Je suis totalement déçue», ajoute la jeune femme.
«On préfère montrer les musulmanes asservies ou les musulmans terroristes et laisser cette image-là aux gens. Quand on veut montrer que l’islam est le symbole de la paix, le partage… on l’empêche», se désole Naella Aslimani.
L'édition 2015