Le nombre d’entrées dans les salles de cinéma a été divisé par deux entre 2012 et 2015. A fin novembre, le nombre d’entrées vendues au Maroc en 2015 s’élève à 945 875, selon Sarim Fassi Fihri, directeur du Centre Cinématographique Marocain (CCM), contre 2 millions d’entrées vendues en 2012. Les recettes des salles de cinéma ont suivi la même tendance bien que ralentie par l’augmentation moyenne des prix du billet. Dans ce contexte, sauver les salles de cinéma est devenu le leitmotiv du nouveau directeur du CCM.
Un amendement à la PLF 2016, préparé par ses soins, devait exonérer de la TVA les salles de cinéma qui font moins de 3 millions de dirhams de chiffre d’affaires. «Mais notre proposition n’est pas passée à la Chambre de conseillers, regrettait Sarim Fassi Fihri en marge du FIFM 2015. Certaines salles pourtant sont en grande difficulté et pourraient fermer cette année.»
Tous les espoirs ne sont pas perdus. «En parallèle, j’espère tout de même voir amender d’ici avril l’arrêté de 2012 qui organise les aides publiques à la numérisation des salles de cinéma, leur rénovation … Je propose que l’on élargisse ces aides aux salles multi-usages qui peuvent servir de salles de cinéma. Je voudrais que le mot «cinématographique» attaché au mot «salle» soit simplement supprimé. On a ainsi près de 70 salles qui pourraient bénéficier de ces aides», explique Sarim Fassi Fihri.
Cinéma patrimoine
Aujourd’hui, les principaux défenseurs des salles de cinéma ont tendance à les considérer comme des parties du patrimoine national. Déjà, «un dahir de 1956 interdit que les salles de cinémas soient reconverties. C’est ce qui protège les salles fermées et classées de la destruction », indiquait Tarik Mounim, président de l’association Save Cinemas in Morocco, lors de l’exposition CineMaroc du photographe Stephan Zaubitzer.
Ainsi 120 salles fermées sont tout de même restées intactes. « Ce patrimoine est menacé, mais il existe encore, alors que dans la plupart des pays que j’ai visités dans le cadre de mon travail, les salles fermées sont rapidement détruites ou transformées», a raconté le photographe Stéphan Zaubitzer. «Nous sommes parvenus à faire inscrire 13 salles dans la liste des sites et des monuments inscrits. Ce classement offre une protection, mais elle n’est pas totale», a ajouté Tarik Mounim ; au grand dam des exploitants de cinémas.
«Si on veut faire de ces salles un patrimoine, pas de problème, il suffit d’indemniser les gens. Car ceux qui possèdent ces salles y ont investi leur argent, parfois même les bijoux de leur femme », a déploré avec véhémence Abdelhamid Marrakchi, exploitant et président d’honneur de la Chambre des salles de cinéma, selon Telquel, lors des «Assises sur l’avenir des cinémas à l’abandon de la ville de Casablanca», en avril dernier. L’homme accuse l’Etat d’avoir accablé les exploitants de taxes, mais pointe également du doigt le développement de la piraterie et de l’offre télévisuelle alternative via le satellite.
Nouvelle géographie des salles
«D’autres pays comme l’Egypte, par exemple, ont connu les mêmes phénomènes, sans pour autant voir disparaître toutes leurs salles», rappelle Sarim Fassi Fihri. En 2011, quand le Maroc comptait encore 68 salles actives, pour plus de 2 millions d’entrées, l’Egypte comptait 544 cinémas. L’Algérie qui, comme le Maroc, ne partage pas le passé cinématographique de l’Egypte, a connu un grand nombre de fermeture de salles, mais dans des proportions moindres. En 2011, «selon les données du ministère de la Culture, sur les 458 salles existant au lendemain de l’indépendance, il n’en reste que 318 dont 91 en état de fonctionnement », indique le rapport Euromed sur les marchés télévisuels et cinématographiques en Algérie.
Pour Sarim Fassi Fihri, «le parc de salles actuel date des années 70 et correspond à la population des villes de cette période-là. A Casablanca, elles se situent toutes dans le centre-ville qui s’est paupérisé. Les quartiers résidentiels comme Aïn Chock, Sidi Maarouf, à Casablanca, Hay Riad à Rabat n’ont aucune salle de cinéma, car à 25 000 dirhams le m², quand un complexe de cinéma en demande au moins 1000, personne ne peut assurer un tel investissement.»
La solution passera donc, selon lui, par l’ouverture de nouvelles salles dans de nouveaux quartiers avec l’aide de l’Etat, d’où son idée d’élargir l’aide publique à des salles qui ne sont pas entièrement dévolues à la projection de films. «Aujourd’hui, la loi exige que les promoteurs immobiliers de logements sociaux laissent des terrains vides pour les équipements sociaux comme un dispensaire, mais ne prévoit rien pour les salles de cinéma. On attend qu’à moyen terme l’Etat oblige les promoteurs immobiliers à considérer le cinéma comme un équipement social», conclut-il.