Est-ce la fin de l’impunité pour les auteurs d’appropriation frauduleuse de biens publics ? Dans son édition d’aujourd’hui, le quotidien Al Massae affirme que de «hautes autorités» ont donné leur accord pour l’ouverture d’une enquête sur une vaste opération de détournement de fonds d’une valeur de 140 milliards dh de sociétés publiques, privées et d’une caisse de retraite.
Une décision prise sur la base de conclusions d’un rapport élaboré conjointement par une instance officielle et des acteurs associatifs. Le document a montré également que des centaines d’hectares de terres agricoles appartenant à l’Etat, récupérées dans le cadre de la «marocanisation» enclenchée après l’indépendance, avaient été cédées dans des conditions opaques et à des prix dérisoires à des personnalités politiques, militaires et à des entrepreneurs.
Opération de communication ou réelle volonté de rupture ?
Avec 110 milliards dh pillés de ses fonds, la Caisse nationale de sécurité sociale, qui gère les cotisations des salariés du privé, est la principale victime de ces détournements massifs. L’OCP occupe la deuxième place du podium avec 10 MM dh, la COMANAV est troisième avec 400 millions dh, 70 M dh à l’Office professionnelle et de la promotion du travail au Maroc, 20 M dh à l’Office national de transport.
Le rapport, cité par Al Massae, fait état de la privatisation d’une entreprise publique à un prix défiant toute concurrence : un seul dirham symbolique alors qu’elle comptait dans ces comptes bancaires 90 millions dh de liquidités.
Malgré le côté exceptionnel des sommes détournées, la publication de ce genre d’information ne constitue pas une nouveauté. La justice marocaine a instruit pendant des années les scandales financiers de la CNSS, de l’ONDA ou de la défunte Banque nationale de développement économique (BNDE) mais sans parvenir jusqu’à présent à prononcer des verdicts contre les coupables de ces détournements.
Par ailleurs, il parait difficile de demander à des personnalités politiques, des syndicalistes ainsi que de hauts gradés de l’armée de rendre les hectares de terres de la SOGETA et de la SODEA qu’ils ont obtenus pour «services rendus à la nation». D'ailleurs, depuis sa nomination en 2012 à la tête du gouvernement, Abdelilah Benkirane s'est toujours dit opposé à la «chasse aux sorcières», préférant tourner la page.