Le parcours d’Ayoub El Khazzani est passé au peigne fin depuis son arrestation suite à l’attaque perpétrée dans le Thalys samedi. «Petit délinquant attiré par l'islam radical», «braqueur fauché et salafiste fiché», chaque média a son interprétation des informations révélées. Mais qui est réellement ce jeune homme soupçonné de terrorisme ?
Alors que El Khazzani, 26 ans, nie depuis son arrestation toute intention de commettre un attentat dans le Thalys disant vouloir juste braquer pour obtenir du pain, les trois Américains – dont deux militaires - qui l’ont neutralisé sont persuadés du contraire. «Il avait beaucoup de munitions, ses idées étaient vraiment claires», a estimé l’un d’eux Alek Skarlatos, lors d'une conférence de presse à l'ambassade américaine à Paris. Et son compatriote de renchérir : «On n'a pas besoin de huit chargeurs pour dévaliser un train».
Témoignage positif, malgré des écarts de conduites en Espagne
L’enquête est actuellement centrée sur le jeune homme qui est né au Maroc le 3 septembre 1989. Il a immigré en Espagne en 2007 avec son frère, ses trois sœurs et sa mère pour rejoindre leur père et époux, Mohammed. El Khazzani se fait connaitre de la police en mai et décembre 2009 à Madrid et en septembre 2012 à Ceuta, quand il est arrêté pour trafic de drogue. La dernière fois, il revenait d’un séjour au Maroc et avait laissé pousser sa barbe.
En 2013, la famille quitte Madrid et s’installe à Algesiras. Ici, les El Khazzani sont connus pour être «humbles» et modestes. Son frère Imran prêchait à la mosquée du quartier avant son retour au Maroc pour cause de séjour irrégulier. Il est décrit comme ayant un discours religieux très ferme, mais sans plus. Et le témoignage rendu par ceux qui connaissaient Ayoub est plutôt positif. C’était «un jeune qui jouait au foot avec ses copains et ne faisait pas de vagues. […] il allait prier un peu partout, on le voyait dans les six mosquées de la municipalité, mais il avait l’air tout à fait normal», a confié à la presse Kamal Cheddad, un dirigeant d’association islamique du quartier qui côtoyait la famille.
La même année cependant, El Khazzani a été condamné à 40 jours de travail au bénéfice de la communauté pour un délit touchant la sécurité routière, rapporte El Mundo. Soupçonné par la suite de commettre certaines infractions sous d’autres identités, il était fiché par la police espagnole, sans plus.
Un SDF selon son avocate
C’est en janvier 2014 que le jeune Ayoub quitte le cocon familiale. Embauché par Lycamobile, l’entreprise lui propose un contrat de travail d’une durée de six mois en France, ce qu’il accepte. Mais un mois plus tard, il est licencié et se retrouve sans moyens de subsistance. Parallèlement, les renseignements espagnols informent leurs homologues français de la présence d’El Khazzani sur leur sol. Mais selon son avocate, Me Sophie David, El Khazzani n’a été qu’un «SDF» depuis. Et après son licenciement, il a circulé dans l'espace Shengen grâce à ses papiers délivrés en Belgique.
Face à la caméra de BFMTV, Me David, explique qu'en discutant avec El Khazzani, elle «n'a pas senti que c'était du cinéma» quand il niait tout intention terroriste.
«Mon fils ne peut pas être terroriste»
Son père –Mohamed- ébranlé par ce qui s’est passé, a dressé un portrait de son fils radicalement opposé aux soupçons pesant actuellement sur le jeune homme. «Je n’étais pas dans le train, mais je ne pense pas qu’il soit capable de faire une chose pareille. Ils disent que c’est un terroriste, mais je n’y crois pas», a-t-il confié au journal espagnol El Mundo, précisant que Ayoub a discuté ave sa mère au téléphone il y a un mois.
L’homme de 64 ans n’a pas revu son fils depuis plus d’un an et demi et lui a parlé peu de fois, mais il reste convaincu : «c’était un bon garçon. Il aimait pêcher et jouer au football. Il est très religieux, ne fume pas et ne boit pas d’alcool». «Le seul terrorisme dont il est coupable, c’est le terrorisme pour le pain. Il n’a pas d’argent pour s’alimenter convenablement», déclare Mohamed.
Actuellement l’enquête se poursuit. Et la police tente de déterminer ses liens avec l’Etat islamique ou encore Sharia4Belgium. Les enquêteurs soupçonnent que ce groupe terroriste ait été son fournisseur d’arme. Mais le jeune homme assure l’avoir trouvé dans le parc bruxellois qu’il squattait.
De plus le témoignage de l’un des Américains qui l’ont neutralisé pourrait jeter le doute sur sa préparation à un acte terroriste. Sa kalachnikov «semblait enrayée ou ne fonctionnait pas», a précisé Spencer Stone, l’homme blessé au cutter par El Khazzani. Et Alek Skarlatos -membre de la garde nationale de l'Oregon et récemment rentré d'une mission en Afghanistan- d’ajouter : le jeune homme «n'avait clairement aucun entraînement au maniement des armes».