20 employées marocaines d’une entreprise espagnole de textile installée dans la zone franche de Tanger squattent depuis neuf mois maintenant le local de leur ancienne usine, rapporte un site espagnol. Ces femmes se relayent en tour de garde pour empêcher le propriétaire de récupérer les machines de l’usine et aux autorités de détruire l’usine où elles ont travaillé pendant des décennies pour des enseignes prestigieuses comme Zara, Mango, Stradivarius, Pedro del Hierro, El Corte Ingles.
Mais pour comprendre leur cause, il faut remonter à Juillet 2014. Un décret royal annonce la construction, en lieu et place de la zone franche de Tanger, d’un port de plaisance qui doit être livré en 2016. Le projet, financé à hauteur d’un peu plus de 7 milliards de DH, prévoit de raser les bâtiments pour les remplacer par un port de plaisance comprenant une marina. Pour ce faire, le gouvernement avait indemnisé à hauteur de plus d'un million et demi de dirhams, les entreprises présentes sur le site et leur a affectées un autre site de recasement.
Le subterfuge du patron
Seulement la société installée depuis 1978 dans la zone franche, avec à sa tête un patron néerlandais, a octroyé en octobre 2014, des «vacances» de 15 jours à tous ses employés. Sans préavis et sans avertissement, les employées ont trouvé portes closes à leur retour de vacances. Aidées d’associations des droits de l’Homme, elles ont alors intenté un procès auprès du tribunal de Tanger. Le juge a alors rendu une décision en faveur des couturières. Il a décidé qu’en fonction de l’âge, de l’ancienneté et du nombre d’enfants à charge de ces travailleuses, le propriétaire doit leur verser entre 100.000 et 250.000 DH d’indemnités. Seulement, le propriétaire ne s’est pas présenté à l’audience.
Mais le problème est beaucoup plus profond. En 2004, prétextant la crise mondiale, la société paie en retard les soldes, ferme quelques semaines avant de rouvrir, verse en retard les heures supplémentaires payées au prix d’une heure normale (13DH/heure) et régente les congés. Pire, quand une des employées est tombée malade, elles découvrent que la société ne reversait pas les cotisations à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS).
Devant ces conditions honteuses de travail, les 20 employées ont pris en otage leur usine. Certaines d’entre elles travaillent depuis 2 décennies pour la même société et dans le même domaine. Elles craignent alors pour leur reconversion dans un secteur en crise. Chaque dimanche, elles participent à des sit-in à l’entrée de la zone franche, avec des pancartes revendiquant la restauration de leur dignité. Elles se relaient jour et nuit pour assurer la garde des bâtiments encore debout de leur ex-usine. Celle-ci est devenue le symbole de leur désarroi.