Estimant que le principe de la laïcité prenait un coup, l’Association des maires de France a mis en place, en novembre dernier, un groupe de travail sur la laïcité qui a présenté à la presse, mercredi 24 juin, ce qu’il a appelé un «vade-mecum», rapporte Libération. Co-présidé par le socialiste Patrick Moniloz et le Républicain Gilles Platret, le groupe estime que cela devrait servir de «boite à outils» aux élus bousculés par «le communautarisme» et «les reculs de la laïcité».
Les points abordés par ce groupe touchent six grand thèmes : financement des associations, crèches, cantines scolaires, encadrement des activités périscolaires et extra-scolaires, activités sportives, neutralité des élus, des personnels communaux et des bâtiments publics, cérémonies républicaines, lieux de culte et de sépulture.
A la cantine, les familles doivent s’adapter et pas le contraire
Dans leur discours, les maires de France ont pris leurs précautions. Ils n’ont prononcé aucun mot se référant à l’islam ou la communauté musulmane, mais il est évident que celle-ci est la première concernée dans plusieurs questions évoquées, notamment en ce qui concerne le fameux sujet polémique des cantines scolaires.
Le groupe de travail sur la laïcité estime «inacceptable» et «contraire aux règles laïques» qu’il y ait des «menus confessionnels» dans les cantines à l’école. «Il appartient aux parents d’inscrire ou non leur(s) enfant(s) à la cantine en ayant connaissance des menus qui y seraient servis et des règles prévues dans le règlement intérieur. Les familles doivent s’adapter aux règles de l’école républicaine laïque et non l’inverse», argue le groupe, soulignant que le but de la restauration scolaire est d’assurer aux enfants une bonne alimentation «du point de vue nutritionnel» dans une ambiance «agréable et conviviale» pendant la pause de midi. La présentation de ces propositions a d’ailleurs été l’occasion pour Gilles Platret, maire de Chalon-sur-Saône de confirmer qu’il supprimera les menus de substitution dans sa circonscription à la rentrée prochaine. A noter que la mairie de Perpignan vient également d’annoncer une mesure similaire mais celui-ci compte offrir des menus végétariens à la place.
S’agissant des sorties scolaires, l’AMF entend saisir la ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem -pour une clarification- avant d’émettre des propositions en septembre prochain. Rappelons que la ministre autorise les mères voilées à accompagner leurs enfants lors des sorties d’école. Pour le groupe de travail de l’AMF, le «contexte général de neutralité» qu’impose la laïcité est à prendre en compte sur cette question, «tout en gardant le souci d’intégrer les parents dans le fonctionnement de l’école».
Non aux absences pour fêtes religieuses pour les fonctionnaires
L’autre point culminant abordé concerne les fonctionnaires. Par souci de «neutralité», dit-il, le groupe recommande de mettre fin aux autorisations d’absence pouvant être accordées pour les fêtes religieuses non inscrites au calendrier des jours chômés, lesquelles sont régis par une circulaire du ministère de la Fonction publique datant de février 2012. Estimant que le régime de droit commun des congés (RTT, congés payés) doit permettre de répondre à ce besoin, le groupe entend saisir le département de tutelle. En outre, Patrick Moniloz et Gilles Platret souhaitent plus de neutralité de la part des élus, appelant à ce qu’ils s’abstiennent de montrer en public leurs appartenances religieuses.
Non aux soirées Ramadan dans les mairies
Parmi ses remarques sur la gestion des associations par les mairies, le groupe de travail fustige l’organisation d’événements cultuels dans les locaux communaux. «Une commune ne saurait subventionner une manifestation dont le caractère cultuel est affirmé, même si elle est traditionnelle et accompagnée d’actions culturelles ou festives», soutient le groupe. Même s’il ne parle ouvertement que de la fête de Noel pour laquelle il prévoit de saisir le ministère de l’Intérieur, il est clair que les soirées Ramadan organisées chaque année dans plusieurs mairies en France dont celle de Paris, n’est pas du goût de l’Association. Si le gouvernement retient la proposition du groupe de travail, on pourrait assister cette année aux dernières célébrations de ce genre. D'ailleurs elles font l'objet de nombreuses polémiques ces dernières années, à Paris notamment.
Pour ce qui est de la construction des lieux de culte, l’AMF estime que la situation nécessite la réflexion. «Dans les faits, nous constatons que de nombreux lieux de culte sont actuellement construits sans faire appel à une quelconque aide financière de la commune mais en reposant sur l’effort financier des pratiquants du culte eux-mêmes», a souligné Gilles Platret, faisant allusion notamment la construction de certaines mosquées dans l’hexagone. L’Association entend se concerter avec les différents acteurs des pouvoirs publics et de la société civile sur cette question.
Le groupe de travail, qui s’est également prononcé pour une interdiction totale du port de signes religieux dans le milieu sportif, a élaboré ses propositions après des rencontres avec les représentants ministériels, religieux dont les musulmans, ainsi que des grands courants philosophiques, experts, et associations, selon les précisions du site Localtis. D’après l’AMF, l’objectif est de garantir «une application stricte du principe de laïcité». Et son président, François Baroin, de préciser qu’il est question de «restaurer» l’esprit de 1905 en rejetant tout «accommodement» avec le communautarisme.