Quelle est votre analyse de la situation qui prévaut actuellement au Yémen ?
Les origines de ce conflit ne sont pas récentes. Elles remontent aux premières années de la fondation de l’Arabie saoudite. Il ne s’agit pas d’un différend entre les Houthies chiites et les Wahhabites sunnites. Aujourd’hui, Ryad combat les forces de l’ancien président Ali Abdellah Saleh et des membres de tribus sunnites. Malheureusement une certaine propagande réduit ce qui se passe au Yémen à une guerre confessionnelle. Ce qui est d’ailleurs complètement faux.
Est-ce qu’on peut y voir une confrontation entre les deux forces dans la région : l’Iran et l’Arabie saoudite ?
Téhéran n’a aucun rôle à jouer au Yémen. C’est une guerre exclusivement entre voisins et elle ne devrait pas se prolonger trop longtemps. Cette guerre est la conséquence des appréhensions des Etats du Golfe du dialogue entre l’Iran et les Etats-Unis. D’autant que le récent accord conclu entre les deux parties sur le dossier nucléaire est le prélude d’un nouvel ordre régional en cours de préparation.
Mais que veulent les Houthies ?
Il faut rappeler que ce sont les Houthies qui ont défait Al Qaida au Yémen. L’ex-président a livré six guerres contre eux mais sans parvenir à les vaincre. Ce qui ne les a pas empêchés de s’allier avec son parti et son armée. Ils représentent l’avant-garde de la société yéménite.
Pour vous répondre de façon directe, ils veulent tout simplement la participation dans la gestion des affaires du pays. C’est leur principale revendication. L’ex-médiateur des Nations Unies, le Marocain Jamal Ben Omar, était sur le point de parvenir à un projet d’accord entre les Houthies et les autres forces du Yémen mais ils ne lui ont pas laissé l’occasion de réaliser cet objectif.
Rabat a-t-elle encore un rôle à jouer au Yémen ?
La contrainte des alliances a empêché le Maroc de jouer un rôle dans le processus de pacification menée par Ben Omar. Il aurait pu accueillir des sessions du dialogue entre les différentes factions yéménites. Mais encore une fois, c’est la logique des alliances qui dicte sa loi.
En tant que chiite, ne craignez-vous pas que la communauté marocaine soit la cible de représailles, notamment après la disparition d’un F-16 des FAR ?
Je ne le pense pas.
Qu’en est-il du nombre des chiites au royaume ?
Il n’y a pas de raz de marée chiite sur le Maroc comme tente de répandre les salafistes qui oeuvrent pour la «Fitna». Mais heureusement ils ne déterminent pas la géostratégie de l’Etat marocain. La présence des chiites dans le royaume chérifien reste limitée. Elle est plutôt le résultat de l’ouverture sur l’autre et non d’un prosélytisme assidu.