Le bilan du démantèlement lundi matin du camp Agdaym Izik à Laâyoune ne cesse de s’alourdir. Il est encore provisoire, mais le nombre de morts s’élève désormais à 9, dont un civil, selon la MAP, reprise par L'Express. Le Polisario parle pour sa part de 11 tués, 723 blessés et de 159 disparus. Une guerre des chiffres qui ne fait que commencer, mais qui renseigne fort sur la gravité des affrontements entre forces de l’ordre et contestataires. Ce que corroborent les propos du ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner qui a qualifié les heurts de «très graves», selon l'AFP.
On se demande encore, à l’instar d'un représentant de l'AMDH que nous avons contacté à Laâyoune, «ce qui a conduit à une telle issue». Alors que jusque-là, les négociations avaient progressé et abouti à des actions concrètes des autorités qui proposaient des lots de terrains et des subventions mensuelles d’environ 1500 dirhams.
Ce qu’il faut savoir, c’est que ces 6000 à 7000 tentes ne renfermaient pas que des contestataires réclamant une amélioration de leurs conditions de vie. Les intérêts n’y étaient pas les mêmes pour tout le monde. Aux premiers manifestants se seraient vite greffés d'autres qui espéraient bénéficier des possibles avantages, fruits des revendications auprès des autorités, selon Reda Taoujni, président de l'Association du Sahara Marocain (ASM). De plus, des personnes qui feraient partie des dernières vagues de jeunes ralliés et bien entrainées militairement auraient poursuivi des objectifs politiques. Cela a vite contribué à l’implosion de la situation.
Des ralliés entretenus par le Maroc et qui mettent le feu aux poudres. Quel retournement de situation ! Mais il faut également souligner qu’ils sont rares à réaliser leur rêve d’une vie meilleure une fois la mère-patrie regagnée. Contrairement aux hauts responsables du Polisario qui se voient nommés à des fonctions de prestige dès qu’ils changent de camp, les ralliés de base eux se contentent le plus souvent de la carte d’entraide nationale. Une «cartiya» avec laquelle, certes, ils vivent d’aides de l’Etat, mais qui ne les maintient que dans une situation d’ «entretenus» sans ambitions. En face d’eux, 2/3 des 500 000 habitants de la région en provenance des autres régions du royaume qui touchent 25 à 75% de primes de salaires.
C’est dire l'importance d'un réel développement des provinces du Sud pour stabiliser cette partie du Royaume et prémunir contre des mobilisations d’une telle ampleur. Une première depuis le déclenchement de la marche verte en 1975. A la politique de la carte d’entraide nationale (qui n’est toutefois pas réservée uniquement aux ralliés), l’Etat doit privilégier une promotion plus dynamique de l’essor des régions sahariennes. Comme du reste, pour toutes les autres régions qui tardent à s’embarquer dans le train de développement qui parcourt le Maroc.