Les subventions des carburants au Maroc ne sont pas sans incohérences et injustices. Premièrement, tous les contribuables payent pour permettre aux automobilistes de rouler moins cher. Deuxièmement, plus votre véhicule consomme, plus vous mettez à contribution cette caisse de compensation. Une prime à la pollution en quelque sorte.
Etant donné qu'il est difficile à l'heure actuelle de réformer en profondeur ce système de compensation, l'Etat pourrait très simplement jouer sur d'autres leviers que nous détaillerons par la suite.
Des leviers qui pourraient d'ailleurs influencer les comportements des Marocains et contrebalancer par exemple un déséquilibre dans le choix des véhicules neufs. Le Marocain (surtout des classes aisées) a une forte propension à acheter des 4X4, voitures très polluantes et énergivores. Mais paradoxalement, ces 4x4 sont le plus souvent utilisés pour des petits trajets en périmètre urbain. Ainsi, ils contribuent énormément à la pollution des villes comme Casablanca, Rabat, Marrakech, Fès, Tanger...
Pollution qui, de manière générale, est beaucoup renforcée par un parc automobile marocain assez vétuste. La croissances des ventes de véhicules neufs commence à prendre de l'ampleur, mais le marché des voitures d'occasion reste prépondérant (et cher).
Pour entamer la révolution verte au Maroc, rester pragmatique
En parallèle, le Royaume est en train de prendre conscience de la révolution verte en marche dans les pays développés. Pour limiter ses émissions de CO2, à son tour, le Maroc investit de plus en plus dans l'énergie renouvelable, dans des campagnes de sensibilisation à l'économie d'énergie... Mais ces différentes mesures sont extrêmement coûteuses, et laissent de côté, pour le moment, le secteur de l'automobile.
Or, c'est dans ce secteur que l'on peut imaginer des mesures neutres en termes de budget et profitables à l'écologie. Des mesures qui ont d'ailleurs déjà été testées en Belgique, en France et dans d'autres pays :
- la prime à la casse;
- la taxe écologique sur la vignette automobile;
- et le bonus-malus écologie.
Le bonus-malus écologie s'opère à l'achat de véhicules neufs ou lors de l'importation de voitures d'occasion. L'idée est de faire payer davantage les clients achetant des voitures à fortes émissions et d'offrir un bonus aux voitures ne dépassant pas un certain seuil d'émissions de CO2 par kilomètre.
La taxe écologique sur la vignette automobile, quant à elle, s'inscrit davantage dans la durée. Elle mettrait à contribution davantage les conducteurs de voitures polluantes. Objectif : sensibiliser les propriétaire de voiture tous les ans – par leur porte-monnaie. Et par là, contribuer au financement de la dernière mesure : la prime à la casse, dont l'objectif est de rajeunir le parc automobile, et ainsi réduire la consommation moyenne de carburant. Une mesure qui pourrait même dynamiser le marché du neuf, comme cela a été le cas en Allemagne ou en France, où une telle prime a été instaurée.
Propositions chiffrées
Pour ne pas rester sur des suggestions vagues, nous avons débattu au sein de notre rédaction des différents barèmes envisageables. Nous sommes parvenus à une proposition chiffrée qui reste assez simple et qui pourrait servir comme base de discussion.
Eco Taxe sur la vignette auto | |
Emissions >=200g CO2/km |
1DH/g de CO2 |
Prime à la casse pour l’achat d’un véhicule neuf | 10 000 DH |
Bonus malus à l'achat neuf ou à l'import de VL | |
>=250g CO2/km |
+20 000 DH |
>=200g CO2/km |
+10 000 DH |
=<100g CO2/km | -20 000 DH |
=<120g CO2/km |
-10 000 DH |
Le système de bonus-malus pour les véhicules légers doit rester simple et financièrement bénéficiaire. C'est à dire que le malus doit largement compenser le bonus en anticipant le rééquilibrage qui sera fait dans les années suivant la mise en place de ce système. En effet, la France doit faire face à un coût relativement élevé (500 M€ en 2010) et durcir le barème plus rapidement que prévu.
Le malus de 10 000 DH sur les véhicules consommant plus de 200g CO2/km et de 20 000 DH pour une consommation de plus de 250 g/km reste raisonnable. Il concernera principalement des SUV (véhicules tout terrain) et des voitures sportives ou grosses berlines. Le prix initial de ce type de véhicule étant très élevé, le malus de 10 000 DH ou même de 20 000 DH ne constituera pas un gros frein à l’achat.
Le bonus, quant à lui, ne serait attribué qu'aux véhicules les plus respectueux de l'environnement : des véhicules hybrides ou des très petites cylindrées. Le nombre de véhicules de ce type étant faible au Maroc, il n'y a pas de risque de dérapage de la mesure au niveau budgétaire, le système peut même contribuer pour sa part au financement de la prime à la casse. Néanmoins, si la prime est assez intéressante cela devrait inciter les concessionnaires à privilégier ce type de véhicules qui est de plus en plus proposé par les constructeurs.
Possédant tous les détails sur le parc automobile marocain ainsi que sur les ventes de véhicules neufs, l'Etat pourra très facilement faire ses prévisions. Il pourra ainsi revoir ces catégories annuellement afin d'ajuster les limites et les montants pour coller au mieux aux réalités du marché marocain. Alors au lieu d'attendre une hypothétique réforme de la caisse de compensation, le gouvernement s'engagera-t-il sur un tel dispositif aux multiples avantages ? Le débat est ouvert.