La décision du juge Pablo Ruz de poursuivre 11 hauts responsables marocains pour «crime de guerre» au Sahara occidental aura-t-elle des répercussions sur l’entente entre Rabat et Madrid ? Le journaliste Ignacio Cembrero fait part de craintes de certains milieux politiques et diplomatiques de voir la coopération avec le Maroc entrer dans une zone de turbulence identique à celle qu’ont connue pendant presque une année les relations franco-marocaines. Le parallèle peut d’ailleurs être fait entre les deux affaires, puisque c’est une procédure judicaire lancée par un juge français contre le patron de la DGST, Abdellatif Hammouchi, qui a été à l’origine des tensions entre la France et le Maroc.
Le timing profite aux thèses du Polisario
Pour le moment, les autorités marocaines se murent dans un silence absolu. Une attitude qui contraste avec la rapide réaction dont avait preuvre le Maroc contre la France. Le royaume avait en effet très vite répliqué en décidant une suspension unilatérale de la convention judicaire entre les deux pays. La sanction a été ensuite aggravée par le gel par le royaume de la coopération sécuritaire avec Paris.
Ce silence serait-il la conséquence d’une mobilisation du gouvernement Rajoy auprès de ses amis au royaume en vue de circonscrire l’onde de protestation des officiels de Rabat ? Si c’est le cas, ils auront été efficaces, surtout que le Maroc ne risque guère d’apprécier le timing de l’annonce de la saisine adressée par Pablo Ruz au tribunal de l’Audience Nationale.
Le magistrat donne ainsi du grain à moudre à la propagande du Polisario, seulement à quelques jours de la présentation devant les membres du Conseil de sécurité d’un nouveau rapport du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, sur la question du Sahara occidental. Reste à savoir quand la procédure sera lancée contre les mis en causes, du moins pour ceux encore en vie puisque quatre des personnes citées dans la liste de Ruz seraient déjà mortes.
Le Maroc n’est pas le seul à être dans le viseur du juge espagnol. Depuis août 2013, ce magistrat madrilène instruit également une plainte déposée par l'Association des portés disparus au Polisario (APDP) contre deux responsables du Polisario pour «génocide» et «torture». Il s’agit de Brahim Ghali, l’ex-représentant du Front à Madrid, actuellement au même poste à Alger, et Mahjoub Lincoln, un membre des services de la sûreté. Les deux mis en cause avaient refusé de comparaitre devant Pablo Ruz.