Le 12 avril 2005, le tribunal de première instance de Rabat interdisait à Ali Lmrabet d’exercer le métier de journaliste au Maroc pendant dix ans. Un verdict lourd qui avait clos une campagne hostile menée par les autorités ainsi que quelques ONG durant trois ans. Jamais auparavant une plainte pour «diffamation» contre un professionnel des médias n’a connu pareil jugement au Maroc.
Dans le cas de Ali, c’est l’Association des parents des sahraouis victimes de la répression dans les camps Tindouf qui avait été mandaté pour "défendre l’honneur de toute une nation". Elle n’avait pas apprécié des propos attribués à Lmrabet et publiés le 12 janvier 2005 par l’hebdomadaire arabophone Al Moustakil. Le journaliste aurait déclaré que les habitants des camps de Tindouf «n’ont aucune envie de rentrer au Maroc». Une version diamétralement opposée à la position officielle du royaume qui parle plutôt de séquestrés.
Un procès bâclé
A l'origine de toute l'affaire, un reportage dans les camps de Tindouf effectuée par Ali Lmrabet en novembre 2004 pour le compte du quotidien espagnol El Mundo, conclu par une interview de Mohamed Abdelaziz. A l’époque le journaliste franco-marocain était adulé par la presse espagnole et algérienne.
Le 17 mars 2005, l’Association des parents des sahraouis victimes de la répression dans les camps Tindouf passait à l'action. Après des sit-in organisés contre la "trahison" de Ali elle portait plainte contre lui. Une fois n’est pas coutume, la justice marocaine s’est mise en branle rapidement. L’affaire est vite examinée par le tribunal de première instance de Rabat. La première audience du 5 avril ne laissait guère de doute sur l’issue du procès. La cour avait refusé les demandes de report exprimées par la défense, pour absence du mis en cause qui se trouvait à l’époque en Espagne. Et le 12 avril, le verdict est tombé. Une sentence qui visait avant tout à empêcher «légalement» Ali d’éditer une nouvelle publication au Maroc. En effet, en mars 2005, il avait commencé la procédure pour éditer un autre hebdomadaire.
Plus que quatre jours donc avant l’expiration de l’interdiction. A cette occasion, l’association «Freedom Now» organise, au siège central de l’AMDH à Rabat, une cérémonie en l’hommage de Ali Lmrabet. Dix ans après, le journaliste tentera-t-il une nouvelle expérience dans la presse papier au Maroc ?