«Le Maroc s’est engagé dans un processus important, mais les derniers développements nous laissent perplexes quant au futur de sa politique». C’est le constat du président de la FIDH (fédération internationale des droits de l’Homme), Karim Lahidji, lors de la présentation, ce lundi 30 mars à Rabat, du bilan de la première année de la nouvelle politique migratoire.
Selon ce bilan réalisé avec le Gadem (Groupe antiraciste d'accompagnement et de défense des étrangers et des migrants), près de 18 000 personnes d’une centaine de nationalités (sur plus de 27 000 demandes) ont bénéficié de l’opération régularisation. La mise en place d’une instance d’appel, la Commission de suivi et de recours, en juin 2014, avait marqué un tournant dans l’opération, notamment avec la régularisation de 5 060 femmes, ainsi que des responsables d’associations de migrants, constatent la FIDH et le GADEM. Mais les demandeurs ont rencontré plusieurs difficultés liées notamment à la «formation insuffisante des responsables en charge des bureaux des étrangers» et l’absence d’information après le rejet de certaines demandes selon les deux organisations.
«Application trop stricte des critères »
«Ces résultats - de l’opération de régularisation - sont encourageants, mais, en raison de l’application trop stricte des critères, le nombre de bénéficiaires a été bien moindre que ce qui avait été estimé au départ», estime pour sa part Hicham Rachidi, le secrétaire général du GADEM. «Nous appelons donc le gouvernement à régulariser les environ 9 000 personnes supplémentaires qui avaient soumis des demandes dans les délais», a-t-il ajouté.
Outre ces critères qui rendent parfois difficiles l’obtention d’un titre de séjour, le rapport de la FIDH et du GADEM s’interroge aussi sur le sort des personnes ayant déposé leur demande dans les délais mais dont le dossier n’avait pas été traité au moment de la fin de l’opération. En plus, souligne le document, les travaux de la Commission nationale de suivi et de recours, mise en place pour les procédures en appel, sont suspendus depuis juillet 2014 alors que cette commission n’a tenu qu’une seule réunion durant ce mois.
«Revirement sécuritaire inquiétant»
Mais ce qui suscite plus de crainte pour les deux ONG, c'est surtout la reprise récemment des rafles de migrants dans le pays. La FIDH et le GADEM s’inquiètent des dernières opérations massives d’arrestation et d’enfermement des migrants, notamment dans la forêt de Gourougou. Ils estiment que «plusieurs signes indiquent un revirement sécuritaire inquiétant de la politique migratoire marocaine».
En outre, explique le rapport, les enquêtes menées par le GADEM et le Collectif des communautés subsahariennes au Maroc (CCSM) ont montré que parmi les plus de 800 détenus, se trouvent des mineurs, une femme enceinte, des demandeurs d’asile et des personnes ayant demandé leur régularisation et n’ayant pas encore reçu de réponses en première instance.
«Gendarme de l’Europe»
Mais ce n’est pas uniquement ces questions qui montrent que la nouvelle politique migratoire marocaine a un double visage affirme les auteurs du rapport. Pour la secrétaire générale de la FIDH, Amina Bouayach, «le Maroc doit refuser le rôle du gendarme de l’Europe». La SG de la FIDH fait ainsi référence à la reprise des négociations pour un accord de réadmission, consistant au retour forcé des migrants en situation irrégulière, de nationalité marocaine ou ayant transité par le territoire marocain.
En effet, depuis décembre dernier, le voisin espagnol a adopté une loi autorisant la police et les gardes civils à reconduire à la frontière marocaine les migrants qui franchissent clandestinement les frontières à Ceuta et Melilla. D’après Bouayach, le Maroc «doit rompre avec une approche sécuritaire qui complique l’intégration des migrants au lieu de la faciliter» et concentrer les efforts «sur la mise en œuvre de la stratégie d’intégration des migrants et réfugiés».