Pour comprendre l’absence de l’Algérie dans la capitale malienne, il convient de faire un rappel des faits. AQMI a enlevé dans la nuit du 15 au 16 septembre à Arlit, au Niger, 7 personnes (cinq Français, un Malgache et un Togolais), et les aurait conduits dans la région de Timétrine (nord-est du Mali). Quelques jours plus tard, le 26 septembre, le comité d’état-major opérationnel conjoint (Algérie, Mali, Mauritanie et Niger), s’est réuni à Tamanrasset. L’absence de la Libye, du Maroc et du Tchad, à cette réunion avait surpris les spécialistes des questions sécuritaires. La partie malienne avait pourtant formulé le vœu d’élargir la coalition à d’autres pays de la sous-région, notamment le Maroc. Réponse de l’Algérie : niet. La rencontre de Tamanrasset aboutira à la mise en place du Centre de renseignement sur le Sahel (CRS), basé à Alger.
Mais les escarmouches verbales entre le Maroc et l'Algérie avaient débutés bien avant. Lors d’une réunion en mai 2010 des pays sahéliens à Alger, le ministre algérien chargé des Affaires africaines et maghrébines avait répondu avec ironie au délégué du Burkina Faso. Ce dernier l'ayant questionné sur une éventuelle participation du Maroc, Abdelkader Messahel a répondu : «j’ai consulté les livres d’histoire et de géographie, et je n’ai trouvé nulle trace de l’appartenance du Maroc à la région sahélienne.» Evidemment ca jette un froid glacial.
Ce n'est pas tout, puisque les Algériens invoquent un autre argument. Ils reprochent au Maroc d'être la source du narcotrafic dans la région du Sahel. Ainsi près de 40 % de la drogue qui circule dans la zone vient du Maroc. Bel argument pour justifier la mise à l'écart du royaume Chérifien dans la lutte contre le terrorisme.
Mais le Maroc ne sera pas le seul visé. Plus tard l’Algérie, critiquera le Mali dans sa lutte contre le terrorisme transfrontalier, allant même jusqu’à dénoncer «l’incompétence» de l’armée malienne. Elle continuera son pied de nez en boudant la réunion du GACT à Bamako.
L’Algérie ne veut ni des pays occidentaux ni du Maroc
Cette attitude pourrait être expliquée par deux raisons essentielles. Premièrement, l’Algérie ne veut pas d’une ingérence étrangère ou d’une coopération avec les pays occidentaux. Elle considère que la lutte contre AQMI est un problème régional qui incombe uniquement aux pays du Sahel concernés. Or comme l’a confié à l’AFP Moctar Ouane, ministre malien des Affaires étrangères, «le champ d'action d'AQMI est un territoire désertique de 8 millions de km2 difficile à contrôler, partagé par l'Algérie, le Niger, la Mauritanie et le Mali». Difficile donc de circonscrire le problème aux seuls pays du sahel aux moyens militaires limités. Depuis plusieurs années, le problème du terrorisme et de l’insécurité est une réalité dans cette zone, et ne fait que s'aggraver. L'Algérie s’entête en vain, sachant qu’un seul pays ne peut y faire face.
Deuxième raison, la présence du Maroc à la réunion du GACT. La pilule a du mal à passer car le Royaume du Maroc revient comme un acteur régional incontournable, aussi bien aux yeux des occidentaux que sur le plan régional (Mauritanie, Mali). C’est donc tout naturellement que les pays sahéliens participants ont minimisé le boycott de l'Algérie, a indiqué l’AFP, la mettant avant tout sur le compte de sa rivalité historique avec le Maroc.
Au Mali, pays hôte du sommet, deux quotidiens n’ont pas raté l’occasion de marquer cette absence algérienne. L’Indépendant a écrit «c'est à croire que l'Algérie et le Mali ne pourront jamais se mettre autour de la même table et discuter franchement de la question de la sécurisation de la bande sahélo-saharienne, a fortiori s'entendre sur les moyens et les procédés pour mettre hors d'état de nuire les terroristes du désert.». Pour sa part Le Républicain a rappelé «l’Algérie, comme on le sait, désapprouve toute implication occidentale dans ce qu’il qualifie de problème exclusivement régional», mais aussi «avait balayé d’un revers de main l’éventualité d’une participation marocaine au motif que le royaume chérifien n’avait pas de frontière saharienne ou sahélienne.».
Participaient à la rencontre sécuritaire tenue à huis clos à Bamako, les représentants du G8 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon et Russie) ainsi que de l'Union européenne, la Suisse, l'Espagne et l'Australie. De même, de nombreux pays de la région (Burkina Faso, Mauritanie, Maroc, Niger, Nigeria et Sénégal) ont été invités à y prendre part.