Les affaires sont déjà rangées et les valises faites. Les 22 familles de Tamaouanza fermeront difficilement l’œil cette nuit, hantées par la peur de se retrouver à la rue. En effet, l’ordre d’expulsion prononcé par la justice devrait prendre effet ce mercredi 11 mars 2015, pour que la Société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT) puisse y réaliser son projet. «On ne sait pas ce qui va se passer demain, tout le monde attend, inquiet», confie à Yabiladi Hassan Hari, l’un des habitants.
Pour rappel, ces familles doivent libérer les lieux suite à un jugement rendu le 15 décembre dernier par la Cour d’appel d’Agadir, après qu’elles aient gagné le procès en première instance. La SMIT avait présenté un titre foncier attestant qu’elle a acquis le terrain en 2004. Pourtant, les générations de ces familles se succèdent dans les 22 maisons du village de Tamaouanza depuis 1895 – date à laquelle leurs aïeux avaient acquis le terrain. Et en 2003, le wali avait même signé l’autorisation d’électrification de leur localité.
«Ces familles sont légitimes à Tamaouanza»
A la mairie d’Agadir qui suit ce dossier de près, l'affaire suscite beaucoup de désolation. «Ce sont des citoyens de la ville qui ont eu ce terrain vers la fin du 19ème siècle qu’on veut expulser aujourd’hui, au profit d’un projet touristique dont on parle depuis 20 ans, mais qui n’est jamais sorti de terre», regrette le maire, Tariq Kabbage, contacté par Yabiladi. Il confirme l’autorisation d’électrification de la localité par le wali en 2003, soulignant que «si l’autorité de la ville a signé, c’est que les familles ont une existence légale sur les lieux». «Ces gens ont les papiers de leurs maisons. Ils ont des dahirs datant du 19ème siècle, laissés par leurs aïeux. A cette époque, il n’y avait pas encore les titres fonciers», expliquent le maire, ajoutant qu’ «il y a bien des plans d’aménagements de la ville de 1984, 1988, …qui indiquent bien l’existence de ces maisons».
Mais comment la SMIT a-t-elle obtenu un titre foncier alors qu’il y avait déjà des propriétaires légaux ? « C’est la loi du plus fort tout simplement», lance M. Kabbage, ajoutant que les cas de ce genre sont nombreux dans la région d’Agadir. Toutefois, l’histoire des habitants de Tamaouanza est quelque peu atypique, car aucune alternative n’a été proposée par la SMIT et la justice n’en n’a pas exigée non plus. «Quand on veut procéder à ce type d’opération, on ne vient pas comme ça mettre les gens à la rue, mais on les indemnise à leur juste valeur», relève le maire.
Du côté de la SMIT, toujours pas de réaction officielle. Yabiladi a, à nouveau, contacté la société – ce mardi - pour avoir sa version des faits. Après un bref entretien, le responsable communication nous a promis de nous répondre en fin de matinée. Relancé par nos soins en milieu d’après-midi, il a affirmé que le directoire de la société est disposé à répondre, mais par email. Ce que nous avons fait et attendons encore les réponses.
Demande de délai de grâce
De son côté, l’avocat des familles – Me Aouzine Hassan - a déposé ce mardi la requête de cassation et attend un retour de la justice. Mais il ne compte pas s’arrêter là. «Demain matin [mercredi, ndlr], nous allons présenter une demande de délai de grâce au président du tribunal pour arrêter l’exécution [de l’expulsion, ndlr]», explique-t-il à Yabiladi. Me Aouzine compte également saisir, par écrit, le ministère de l’Intérieur.
Dans cette affaire, les autorités locales ne faiblissent pas. Au Conseil de la ville hier, lundi, tous les élus ont «à l’unanimité» apporté leur soutien aux familles de Tamaouanza. Pour l’instant, ils attendent de voir comment les choses se passeront mercredi et réfléchissent déjà aux différentes actions à entreprendre. Tariq Kabbage n'a qu'une seule chose à coeur aujourd'hui, «que justice soit faite » pour ces hommes, femmes et enfants qui n'ont rien d'autres que des maisons laissées en héritage.