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Grand Angle

Émeutes racistes d'El Ejido : 15 ans après, presque aucun changement

15 ans après les émeutes racistes d’El Ejido, presque rien n’a changé. Dans cette ville où les Marocains sont la première communauté étrangère, les immigrés créent leurs entreprises et évoluent socialement. Mais derrière cette intégration apparente, se cache une toute autre réalité. Le quotidien El Mundo est retourné dans cette ville qui, en 2000, a terni l’image de l’Espagne. Détails.

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5 février 2000 – 5 février 2015, 15 ans jour pour jour que la ville espagnole d’El Ejido (dans la région d’Almeria) a été secouée par de violentes émeutes racistes. Pour mémoire, c’est le crime perpétré par Lecyr Fahim, un malade mental marocain de 22 ans qui avait déclenché la colère des Espagnols.

Alors qu’il venait de sortir de l’hôpital et qu’il se préparait à rentrer au Maroc, le jeune homme va poignarder à mort une jeune femme dans un marché en voulant lui dérober son porte-monnaie. Les faits se sont déroulés le samedi 5 février 2000 en matinée, mais dès l’après-midi, les habitants d’El Ejido manifestaient déjà réclamant l’expulsion de tous les immigrés. Ils sont allés même plus loin en détruisant maisons et commerces d’étrangers. Pendant deux jours, les immigrés ont vécus leurs pires heures en terre espagnole. Nombreux d’entre eux se sont retrouvés à la rue, certains ont été tués dans les rues, même si les autorités faisaient passer ces décès pour des accidents.

Deux jours d'enfer dont les immigrés se souviennent encore

Mustapha El Jabani, Marocain de 43 ans et son épouse Lola Losada, une sévillane de 41 ans, ont encore l’impression que c’était hier. Propriétaire d’un bar très fréquenté par la communauté maghrébine locale, ils font partie de ceux qui avaient témoigné devant la presse en 2000. Aujourd’hui, ils en sont encore choqués. Cette histoire «nous a marqué à jamais», confie Lola à El Mundo qui a réalisé un reportage pour l’occasion. Leur bar avait été lapidé par une foule de voisins détruisant tous les murs. Ces parents de sept enfants n’ont jamais eu autant envie de plier bagage qu'à ce moment-là.

Mais contrairement à ce couple, beaucoup d’immigrés maghrébins ont préféré tenté leur chance ailleurs en Espagne ou dans d’autres pays d’Europe. Toutefois, l’arrivée d’un bon nombre de Marocains ces dernières années, ainsi que la constitution de beaucoup de familles sur place a maintenu quasiment au même niveau les plus de 15 500 Marocains sur 27 000 étrangers parmi les 85 000 habitants que compte El Ejido.

15 ans après, les cœurs meurtris ont eu le temps de guérir, du moins de telle sorte à ce que chacun puisse poursuivre sa vie. La situation des Marocains s’est améliorée dans le sens où la ville abrite désormais un grand nombre de bazars, cafés, boucheries, salons de coiffure, et garages gérés par des ressortissants marocains.

Les entreprises marocaines presque pas visités par les autochtones

Derrière cette intégration apparente se cache cependant tout autre chose. «Les entreprises marocaines ne sont pas visités, à quelques exceptions près», indique El Mundo. C’est le cas notamment dans le commerce de Mustapha et son épouse. C’était pareil au lendemain des émeutes. Comme le rapporte Libération à l’époque, les autochtones n’adressaient plus la parole aux Marocains, ne se rendaient plus dans leurs commerces, etc. En outre, les bars et restaurants semblaient être réservés aux Espagnols. Lorsque quelques rares Marocains qui s’y rendaient, ils étaient «sommés de sortir».

Mais les Espagnols ne veulent pas être désignés comme seuls fautifs de l’atmosphère hostile qui règne dans la ville. Nombre d’immigrés en effet ne s’exprime pas couramment en Espagnol. «Je ne comprends pas que certaines femmes aient besoin de se faire accompagnés de leurs enfants quand elles vont chez le médecin, parce qu’elles ne connaissent pas un mot en espagnol», se désole Lola Losada. Et selon le témoignage d’un autre immigré, le rejet des immigrés par certains autochtones est une évidence, «mais il y a également des immigrés qui ne veulent pas s’intégrer».

Dans tous les cas, Lola Losada estime que 15 ans après les émeutes raciales qui ont fait parler d’El Ejido dans le monde entier, «le seul endroit où le racisme n’est pas ouvertement perçue c’est dans les écoles».

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