L'enquête en question retrace une affaire vieille de plusieurs années où des «frais de réservation» avaient été illégalement prélevés auprès d'acheteurs de logements sociaux à Casablanca. 5000 dirhams demandés à plus de 2000 acheteurs, soit plus de 10 millions de dirhams au total, pour «frais de services» - des services jamais rendus... Selon l'enquête du journaliste Youssef Boufous, la première plainte a été déposée en 2004. Les sociétés mises en cause : «Douja Promotion» et l'«Euro Africaine de Trade» (EAT), deux sociétés appartenant au PDG du puissant groupe immobilier Addoha, Anas Sefrioui.
Condamnées par le Tribunal de première instance de Casablanca en 2006, les sociétés devaient donc restituer l'argent. Elles l'ont progressivement fait, jusqu'à ce qu'en août 2009, Douja Promotion suspende les payements. 600 plaignants ont été remboursés, plus de 1400 attendent toujours...
C'est alors que l'avocat des plaignants décide de déposer une nouvelle plainte, qui devrait être étudiée par le Tribunal en septembre – et c'est aussi le moment pour Les Echos de publier leur «Grande enquête» à ce sujet, en deux épisodes, le lundi 23 et mardi 24 août. L'affaire avait eu très peu de couverture médiatique, surtout depuis que les versements ont été interrompus.
Lundi 23 août, plus d'Echos dans les kiosques
Mais lundi 23 août, alors que l'on aurait pu s'attendre à des réactions des lecteurs par rapport à ce scandale, le journal a reçu des retours d'un tout autre genre. Comme nous a informés le quotidien, le journal a été contacté par plusieurs lecteurs assidus qui n'arrivaient pas à trouver les numéros en kiosque. Impossible de trouver le numéro 197 des Echos... La cause : beaucoup de vendeurs ont témoigné que «certaines personnes étaient venues acheter massivement le numéro dans plusieurs points de ventes à Casablanca, Rabat, Marrakech», apprend-on auprès des Echos, témoignages confirmés par leurs points de vente partenaires. Une autre source parle d'une offre directement faite au distributeur des Echos, Sapress, d'acheter un grand stock.
Etrange histoire, sans preuves tangibles sur les commanditaires de ces ramassages massifs, mais où tout semble pointer vers une action visant à préserver l'image du groupe Addoha. Le second épisode, publié mardi, aurait également fait l'objet de ramassages, mais à moindre échelle. Il faut dire que ce deuxième article donne davantage la parole aux accusés (voir ci-dessous).
Une campagne anti-com?
Si Addoha était réellement derrière l'affaire, il s'agirait là d'une action de communication bien particulière, une campagne visant à empêcher la diffusion de toute information négative. N'empêche que le calcul mental derrière l'action semble simple.
Le tirage des Echos s'élève à 20 000 exemplaires. Selon le journal, il est encore «trop tôt pour donner plus de détails sur les résultats définitifs des ventes des deux numéros concernés par le 'ramassage'». Mais si sur deux jours, entre 20 et 30 000 exemplaires ont été ramassés, à 4 dirhams pièce, le coût de cette «action d'anti-com» serait revenu à 80 000 – 120 000 dirhams. Peu, si l'on considère les 7 millions de dirhams toujours en suspens. Et l'image du groupe, clairement en jeu.
Quant au journal, il aura sûrement bénéficié de bonnes ventes ces jours-ci, mais ses responsables n'en sont pas pour autant heureux. Au contraire : «nous condamnons vivement ce genre de comportement qui prive le lecteur de la vérité et surtout de la liberté de lire le journal qu'il a choisi». Pour restituer une partie de cette liberté de lire, nous publions ci-dessous, avec l'autorisation de l'auteur et du journal, l'enquête en question sur les procès à l'encontre d'Anas Sefrioui.
Complément d'information : Joint par téléphone, le groupe Addoha nie tout rapport avec le ramassage d'exemplaires des Echos Quotidien. (30.8.2010)