En Suisse, une vidéo met à nouveau l’islam au cœur des discussions citadines. Publié la semaine dernière sur Youtube par le Conseil central islamique du pays (CCIS), le petit film en anglais et sous-titré en français a été tourné dans différents lieux publics avec - ce qu’on pourrait considérer comme l’acteur principal – un homme tout de noir vêtu, au visage dissimulé sous une cagoule, brandissant le drapeau islamique.
Très vite, la vidéo a suscité de vives réactions, notamment sur le réseau social Facebook, car beaucoup de Suisses y voient une «menace». Jusqu’à présent encore, de nombreux internautes en appellent à la réaction de l’Etat.
Interrogé par la télévision suisse, le CCIS dément toute intention de menace ou de violence. «Le message de ce film est pacifique comme on le dit à la fin de la vidéo. Et la symbolique est consciemment choisie pour susciter une réflexion. C’est une critique à l’islamophobie croissante.», a déclaré le porte-parole de l’organisation, Abdel Asis Kaasim Illi. D’après lui, il ne faut surtout pas y voir un message guerrier, étant donné que l’acteur n’a pas d’armes.
Ambigu
En outre, l’absence de femmes et enfants dans le document intrigue certains. Mais M. Asis Kaasim Illi explique que l’habillement choisi visait à représenter tout le monde sans désigner une personne précise. «Ça peut être tout le monde», dit-il.
Plusieurs experts se sont prononcés estimant que le message est ambigu. «Cette vidéo peut être lue avec un double sens», observe la sociologue Mallory Schneuwly Purdie, interrogée par RTS. D’après elle, le film fait intervenir des codes utilisés par le groupe Etat islamique (EI) comme le drapeau islamique, tout en se voulant pacifique. «Pour moi, cette vidéo rate son objectif premier et fait plus de mal à la communauté musulmane», estime cette spécialiste des religions.
Les musulmans n’adhèrent pas tous
Au sein de la communauté musulmane, la vidéo du CCIS est loin de faire l’unanimité. Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes musulmans s’indignent. «Si ces personnes qui se prétendent musulmanes lisaient d'abord le saint Coran et la Sounna de notre prophète Mohammed, jamais ils ne réagiraient ainsi», commente Kastri F. sur la page de La Tribune de Genève. Pour Houda M., le CCIS ne doit pas parler au nom de tous les musulmans de Suisse. «Ces gens ne représentent en aucun cas tous les musulmans Suisses!!! Nous ne cherchons pas tous à changer la Suisse!!! On aime la Suisse telle qu'elle est et ceux qui ne l'aiment pas telle qu'elle est doivent se poser des questions claires. Soit y rester soit quitter...».
Pour l’instant, les politiques restent muets à ce sujet, du moins officiellement. Mais au sein même de la communauté musulmane, on s’attend déjà à une possible instrumentalisation de leur part. La présidente de l'Association culturelle des femmes musulmanes de Suisse pouvait encore exprimer ses «regrets» à la télévision, craignant que «cela ne donne une fois encore des arguments à l'UDC».