«Nous saluons qu'une solution ait été trouvée qui autorise les joueurs a poursuivre de manière professionnelle leur travail de sportifs de haut niveau et en même temps de vivre pleinement leur foi», a déclaré la direction du club du FSV Frankfurt dans un communiqué, publié mercredi 28 juillet conjointement avec le conseil central des musulmans en Allemagne (Zentralrat der Muslime), la ligue allemande de football (DFL) et la fédération allemande de football (DFB) (document en allemand).
Ce communiqué marque la fin d'une polémique soulevée par le FSV Frankfurt en octobre dernier, quand le club avait rappelé à l'ordre trois de ses joueurs, l'international malien Soumaila Coulibaly, l'international gambien Pa Saikou Kujabi et le Marocain Oualid Mokhtari, frère de l'international Youssef Mokhtari, qui avaient observé le jeûne du ramadan sans en informer leur club alors qu'ils devaient jouer des matchs.
Ce faisant, les trois joueurs avaient enfreint leurs contrats avec le club, qui incluait un paragraphe leur interdisant de faire une diète ou de jeûner «sans l'autorisation écrite du club». Le FSV Frankfurt estimait alors qu'il lui était absolument nécessaire de savoir si ses joueurs jeûnaient, car dans ce cas, les entraînements intenses de sportifs de haut niveau pouvaient constituer un risque de santé. De plus, selon la première chaine allemande ARD, le club aurait affirmé que «jeûner constitue une atteinte aux capacités physiques, ce qui ne peut être entrepris par des sportifs de haut niveau, sans l'accord préalable du club et surtout des médecins».
Cela avait soulevé de vives critiques, notamment de la part de l'association des footballeurs professionnels. Selon un porte parole, si l'on suivait à la lettre le paragraphe sus-mentionné, «les joueurs seraient déjà en rupture de contrat s'ils suivaient une diète pendant leurs deux jours de libre». «C'est inacceptable», ajoutait-il. D'ailleurs, l'un des joueurs concernés, Soumaila Coulibaly, avait envisagé d'attaquer le club en justice, ce qu'il a finalement abandonné.
S'il se sentait en son droit, le club aurait néanmoins voulu éviter une nouvelle polémique cette année, semble-t-il. Il a entamé, bien à temps avant le mois du ramadan, des discussions avec le conseil central des musulmans en Allemagne. A son tour, le conseil a consulté plusieurs instances religieuses musulmanes, notamment la mosquée Al Azhar du Caire et le Conseil européen de la fatwa et de la recherche (CEFR), pour statuer sur la compatibilité entre football professionnel et le jeûne du ramadan.
A deux semaines du début du ramadan, l'Al Azhar a issu une fatwa qui indique que «le contrat entre le joueur et le club force le joueur à assurer une certaine performance, et si ce travail sur base de contrat constitue son seul revenu, qu'il est obligé de jouer des matchs de foot et que le jeûne influence sa performance, il a le droit de rompre le jeûne.» Plus loin, la fatwa indique que de manière générale, «si quelqu'un s'est engagé dans un contrat de travail (dans ce cas le contrat de footballeur professionnel) et si le ramadan arrive et qu'il ne peut observer le jeûne à cause de son travail, il a alors le droit de rompre le jeûne, même s'il a assez [d'autres] revenus pour vivre» (voir la fatwa en arabe et la traduction allemande).
Le CEFR n'a quant à lui, pas issu de fatwa, estimant que celle-ci était claire et bien fondée, et le Conseil central des musulmans en Allemagne soutien également cette fatwa. «Une fois de plus, on aperçoit, et ce malgré beaucoup de préjugés, qu'il n'y a pas de conflits entre foi et activités professionnelles», estime-t-il. «Le footballeur professionnel musulman peut rattraper les jours de jeûne dans les périodes sans matchs», ajoute-il.
Le joueur de foot musulman pourra ainsi se décharger de sa mauvaise conscience, que la fatwa met cependant à la charge des clubs. Si les responsables ne sont pas prêts à décaler les entraînements vers la nuit, «c'est à eux qu'incombe le péché». Un péché que les dirigeants sportifs sont, semble-t-il, prêts à assumer. La DFL, le DFB et le FSV Frankfurt se félicitent d'une solution qui arrange tout le monde.
Sauf peut-être les trois joueurs à l'origine de la polémique. Pour eux, la fatwa vient trop tard. Coulibaly a été licencié en février 2010 pour «raisons sportives», et les contrats de Pa Saikou Kujabi et de Oualid Mokhtari n'ont pas été renouvelés pour la saison 2010-2011. «Destination inconnue».