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Tribune

Hommage à l'instituteur d’un village marocain

 J’étais en train de marcher, comme chaque dimanche après-midi, dans l’un des parcs de cette ville qui m’a adopté depuis un certain temps. A vrai dire, c’est l’une des rares fois de mon existence où j’ai posé mes bagages en ayant la paix dans l’âme. Tout s’est éclairci dans ma vie grâce aux prières de ma mère, mais aussi grâce à des dizaines de femmes et d’hommes qui ont façonné ma personne et qui m’ont permis d’aller aussi loin que les aspirations de cet horizon qui m’a toujours habité…

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Temps de lecture: 4'

Je marchais comme j’ai toujours fait depuis ma venue sur cette terre. Je regardais le monde qui m’entoure, et je contemplais ce ciel qui avait l’air de me contempler à son tour lui aussi. Je passais à côté de mon université, et je me suis arrêté pour dévisager ses bâtiments en remémorant tout ce chemin parcouru pour arriver à cet instant précis. J’étais ému sur l’instant, j’avais envie de dire quelque chose, mais je me suis tu…..Le silence a toujours été la meilleure façon de m’exprimer……

Sur le coup, j’avais les images de certaines personnes qui me revenaient plus que d’autres. Les images les plus présentes étaient celles des instituteurs de l’école de mon lointain village…..

L’instituteur du village à qui je dois beaucoup

Quand je suis rendu au pays il y a quelques semaines, j’avais croisé un de mes anciens instituteurs. De longues années sont passées sans que j’aie eu à le revoir. Il faut savoir que l’exil m’était prescrit il y a déjà une vie de cela. C’était mon enseignant de la première année du primaire. Il a pris de l’âge avec des rides qui se font très visibles et des cheveux que la blancheur a envahi. Je l’avais salué chaleureusement avec beaucoup d’émotion et de nostalgie. Il était tellement ému, autant que moi, de me revoir après toutes ces années. Je me suis rendu compte qu’il a toutes les informations sur moi, sur mon parcours et mes différents séjours à l’étranger. En effet, il se renseignait toujours auprès de mes frères qui sont restés au village. J’en étais très touché, car il restait l’un de ces instituteurs et mentors qui vous marquent dans votre vie. Grace à qui vous avez envie de parcourir le monde, découvrir et d’explorer les limites de vos capacités…

Je n’oublierai jamais qu’après avoir réussi mon année du primaire, il s’est toujours assuré à ce que je puisse aller en classe même pendant les demi-journées libres qu’on avait à l’école. Pour lui, il n’y avait rien à faire dehors, surtout qu’il n’y avait pas d’associations ni de centres éducatifs pour nous encadrer à l’époque. En effet, il y avait l’école et les montagnes qui nous entouraient. On était à la marge du monde, mais nous, on ne le savait pas. Lui, qui venait d’une grande ville, était le seule, ou l’un des rares personnes, à mesurer l’ampleur de notre abîme….Ce monsieur m’a sauvé en quelque sorte….et c’est devant le bâtiment de cette université que je viens de m’en rendre compte à l’instant. Il a continué à vivre sa vie sans savoir qu’il était un héros des temps modernes……Il l’est parce que je le sais. J’ai vu dans ses yeux de la fierté quand il m’a revu. Mais j’ai vu aussi le regard d’un père spirituel qui a su trouver les mots et les gestes pour que je puisse aller au bout de mes rêves…C’était lui aussi qui m’avait fait découvrir la passion du théâtre, avec le peu de moyens qu’il avait, et m’avait permis de jouer mon premier rôle. J’adorais ce monde, mais chez nous, la nature ne pardonne pas. Le théâtre ou le pain, il fallait choisir….Le choix est vite fait…

Il reste que cette passion m’habite toujours par l’écriture ou la lecture. C’est aussi une autre manière de lui rendre hommage…

Ce qui m’a fait sourire à l’instant où j’ai pensé à tout cela, c’est qu’à l’époque, je ne parlais pas un mot d’arabe. A y penser, je me demande, comment on a pu se comprendre, lui qui ne parlait pas un mot de berbère. Le temps est passé, j’ai compris que l’humanité parlait en nous et on se comprenait largement. Il reste qu’après toutes ces années, la dernière fois qu’on s’est rencontré, il m’a parlé en berbère dans une fluidité déconcertante. J’ai appris qu’il s’est installé définitivement au village, ses enfants ont grandi et qu’il est devenu l’un des nôtres comme on dit chez nous…

Ces pères qui on tracé ma voie

L’image de cet instituteur n’était qu’un exemple illustrateur d’autres personnes qui ont tracé le chemin de ma vie sans le savoir. Certains autres instituteurs de l’école, des professeurs du collège, du lycée et de l’université, etc. Quelques uns ne sont plus de ce monde, mais leur souvenir est encore vivant à des milliers de kilomètres de mon petit village. D’autres ont vieilli ou sont à la retraite. Je pense souvent à eux, me rappelant de leurs mots, leurs encouragements et des fois leurs reproches…

Peut-être qu’ils voyaient en moi un fils, mais ils ne savaient pas qu’ils étaient pour moi, à chaque fois, l’incarnation de l’image de mon père que j’avais perdu enfant. Leurs mots me touchaient, leurs sourires et joies quand je réussissais étaient pour moi l’ultime récompense qu’on puisse faire à un enfant. A défaut d’aller l’annoncer à mon défunt père, c’était eux qui incarnaient sa réaction.

J’ai grandi certes, mais cet enfant reconnaissant en moi est encore vivant. Ces images et ces souvenirs sont, encore aujourd’hui, des seules choses qui me permettent d’avancer dans la vie. Ces personnes m’ont transmises l’une de meilleures choses qu’on puisse offrir à quelqu’un….La possibilité de rêver et d’aller jusqu’au bout de nos aspirations, au delà des difficultés et des échecs que nous subissons dans nos vie…

Je rebrousse mon chemin, fermant les yeux un instant…Autant la vie est injuste des fois, mais elle a sa raison d’être. Si ce n’est pas pour nous, c’est pour ces gens qui ont cru en nous et qui ont tout fait pour qu’on puisse sortir du ventre de l’impossible et pour aller embrasser le soleil…

A l’instant, si j’ai un souhait, c’est de vous retrouver un jour devant la porte de cette école qui m’a permis, grâce à vous, de voir le monde autrement….M’incliner devant vous et vous dire encore MERCI d’avoir croisé ma vie à des moments décisifs qui ont fait la différence…

Visiter le site de l'auteur: http://oumada.wordpress.com/

Tribune

Hassan Oumada
Blogueur
Juste des mots en errance perpétuelle…
Magnifique hommage
Auteur : Hamza
Date : le 05 août 2014 à 01h26
C'est un magnifique hommage qui est fait à ces héros silencieux , ces instituteurs qui se sont sacrifiés pour donner l’accès à l'éducation aux enfants du monde rural délaissé au Maroc.
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