Yabiladi : Pourquoi avez-vous demandé des excuses au ministre de l'Intérieur ?
Abdelilah Ben Abdeslam : Les déclarations du ministre ne sont pas logiques. Elles sont en contradiction avec la nouvelle constitution qui donne un rôle important à la société civile. [Les associations intéressées à la chose publique, et les organisations non gouvernementales, contribuent, dans le cadre de la démocratie participative, à l’élaboration, la mise en Œuvre et l’évaluation des décisions et des projets des institutions élues et des pouvoirs publics, indique l'article 12 de la Constitution de 2012, ndlr]
Il affirme également que les ONG sont attachées à des agendas extérieurs, comme si les associations travaillaient avec des puissances étrangères contre les intérêts du Maroc. C'est totalement faux. Les associations des droits de l'homme ont des partenariats soit avec des organes gouvernementaux, soit avec des organismes régionaux et internationaux. Il en va exactement de même pour l'Etat et le gouvernement marocains eux mêmes qui signent des partenariats bilatéraux et multilatéraux avec des organismes et des pays étrangers.
Pourquoi le ministre s'en est-il pris aux associations des droits de l'homme, selon vous ?
Il s'agit d'un prétexte. Les ministres de l'Intérieur et de la Justice veulent pouvoir s'attaquer aux terroristes en ayant les mains tout à fait libres pour traiter la question des jihadistes en raison de la menace qu'ils font peser sur le royaume. Nous, à l'AMDH, nous estimons que quelle que soit la nature de la menace, quelle que soit la situation, le Maroc doit rester très respectueux de la loi et des procédures pour ce qui est des arrestations, des procès...
Quelle est la position de l'AMDH sur la question des salafistes détenus au Maroc ?
Nous estimons que la plupart des salafistes qui sont aujourd'hui en prison sont innocents par défaut car ils n'ont bénéficié d'aucun procès équitable. Nous ne sommes pas les seuls à le dire. Amnesty International, Human Rights Watch Maroc l'affirment également. Nous demandons donc depuis toujours qu'ils soient soit libérés, soit à nouveaux présentés devant les tribunaux dans le cadre d'un procès cette fois équitable.
Le ministre a expliqué que les jihadistes partis combattre en Syrie et en Irak sont interpellés et condamnés dès qu'ils reviennent au Maroc. Pensez-vous qu'ils soient traités selon le respect de la loi ?
Nous ne disposons pas réellement d'informations là dessus. Mais du peu que nous en savons, non. Les procédures légales ne sont pas respectées vis à vis d'eux. Les menaces actuelles, il faut s'y attaquer dans le respect des lois et des procédures d'arrestation et de suivi.